Droit des Jeux d'argent et de hasard: Retrait d'autorisation de faire courir des chevaux pour dopage devant le Conseil d'Etat - 17 janvier 2011

18.1.11

Retrait d'autorisation de faire courir des chevaux pour dopage devant le Conseil d'Etat - 17 janvier 2011

Dans le cas d'affaires de dopage, le ministre de l'intérieur est fondé à retirer l'autorisation de faire courir des chevaux. Il ne s'agit pas d'une sanction mais d'une mesure de police, destinée à prévenir les atteintes au bon déroulement des courses hippiques et des paris, et à préserver l'ordre public. Ainsi, le principe de la présomption d'innocence ne fait pas obstacle à ce que soit prise une telle mesure.


Conseil d'État

N° 325251   
Inédit au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Stirn, président
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; SCP PEIGNOT, GARREAU, avocats


lecture du lundi 17 janvier 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 16 février, 18 mai et 2 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bertrand A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA01464 du 24 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0312712/3 du 17 janvier 2007 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 109 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral résultant pour lui de la décision du 10 mai 1999 par laquelle le ministre de l'intérieur a enjoint à la société France Galop de lui retirer l'autorisation de faire courir des chevaux ;

2°) de renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 2 juin 1891 réglementant l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, modifiée par l'article 186 de la loi de finances du 16 avril 1930, le décret du 30 octobre 1935 et la loi n° 51-580 du 24 mai 1951 ;

Vu le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. A et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. A et à la SCP Peignot, Garreau, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;



Considérant que, par un jugement du 11 mars 2003 devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a annulé pour absence de procédure contradictoire préalable la décision du 10 mai 1999 par laquelle le ministre de l'intérieur, se fondant sur l'implication de M. A dans des affaires de dopage hippique et cycliste, a enjoint à la société France Galop, sur le fondement de l'article 12 du décret du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel, de retirer l'autorisation de faire courir des chevaux qu'elle avait délivrée à l'intéressé ; que, par un arrêt du 24 novembre 2008 contre lequel M. A se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 janvier 2007 rejetant sa demande tendant à la condamnation de l’État à lui verser une indemnité en réparation des préjudices résultant pour lui de la décision ministérielle du 10 mai 1999 ;

Considérant que, pour rejeter la demande d'indemnité présentée par M. A, la cour administrative d'appel a jugé que la décision ministérielle du 10 mai 1999 était justifiée sur le fond, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment du fait que M. A avait été interpellé dans la nuit du 6 au 7 mai 1999 en flagrant délit de transaction de produits dopants destinés à des coureurs cyclistes ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que cette interpellation concernait en réalité l'associé de M. A, M. B, et un coureur cycliste ; que la cour administrative d'appel a ainsi entaché son arrêt d'erreur de fait ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A est fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 5 mai 1997 pris pour l'application de la loi du 2 juin 1891 réglementant l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux : Dans chacune des deux spécialités, courses au galop et courses au trot, une société est agréée par le ministre chargé de l'agriculture comme société mère de courses de chevaux. ; qu'aux termes du II de l'article 12 du même décret : Les sociétés mères (...) délivrent seules après enquête et avis favorable du service de police chargé des courses de chevaux au ministère de l'intérieur les autorisations de faire courir, d'entraîner, de monter et driver. ( ...) L'autorisation peut être retirée par la société mère. Elle doit l'être si le service de police chargé des courses de chevaux en fait la demande. Dans tous les cas de retrait, une procédure contradictoire doit être observée (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que MM. A et B ont acquis en copropriété le 7 mars 1998 un cheval de course nommé Seba le Rouge et que deux contrôles effectués le 16 mars 1998 et le 22 avril 1998 ont montré que ce cheval avait fait l'objet d'un dopage à la testostérone ; que par ailleurs, M. B et un coureur cycliste ayant été interpellés dans la nuit du 6 au 7 mai 1999 en flagrant délit de transaction portant sur des produits dopants, une perquisition a été effectuée le 7 mai 1999 dans le local dont disposait M. B au cabinet d'avocat de M. A, local dans lequel ont été trouvés des produits dopants ; que ces derniers faits ont entraîné la mise en détention provisoire de MM. B et A le 9 mai 1999 ;

Considérant que la décision du 10 mai 1999, par laquelle le ministre de l'intérieur s'est fondé sur l'implication de M. A dans ces deux affaires de dopage pour enjoindre à la société mère France Galop, en vertu des dispositions de l'article 12 du décret du 5 mai 1997, de retirer l'autorisation de faire courir des chevaux qu'elle avait délivrée à l'intéressé, ne constituait pas une sanction mais une mesure de police, qui était destinée à prévenir les atteintes au bon déroulement des courses hippiques et des paris dont elles sont le support, et à préserver ainsi l'ordre public ; que le principe de la présomption d'innocence ne fait pas obstacle, par lui-même, à ce que soit prise une telle mesure ; qu'alors même que l'entraîneur du cheval Seba le Rouge n'avait pas été frappé d'une sanction dans l'affaire de dopage hippique et que M. A a ultérieurement bénéficié d'un jugement de relaxe, non revêtu de l'autorité de la chose jugée au pénal, prononcé par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 avril 1998 au motif que sa complicité avec M. B dans l'affaire de dopage cycliste n'était pas établie, les fait mentionnés ci-dessus étaient de nature à justifier légalement la décision prise par le ministre le 10 mai 1999 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les préjudices qu'a pu subir M. A du fait de la décision du ministre de l'intérieur du 10 mai 1999 enjoignant à la société France Galop de lui retirer son autorisation de faire courir, ne sauraient être regardés comme la conséquence du vice de procédure dont était entachée cette décision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de condamnation de l’État à lui verser une indemnité ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le ministre de l'intérieur au titre des mêmes dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 24 novembre 2008 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Bertrand A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.