Droit des Jeux d'argent et de hasard: Conseil d'Etat - 6 avril 2012 - Retrait d'autorisation d'entraîner des chevaux et de monter en course

13.4.12

Conseil d'Etat - 6 avril 2012 - Retrait d'autorisation d'entraîner des chevaux et de monter en course

course hippique

La suspension de la licence d'entraîneur et de driver ne présente aucun caractère urgent dès lors que l'intéressé possède toujours la qualité de propriétaire et que l'un des membres du personnel est susceptible d'entraîner. La société est toujours en mesure de participer aux courses.







Conseil d'État

N° 355219   
Inédit au recueil Lebon
6ème sous-section jugeant seule
Mme Christine Maugüé, président
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP GASCHIGNARD, avocats


lecture du vendredi 6 avril 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 décembre 2011 et 9 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la SOCIETE D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS dont le siège est 7, rue d'Astorg à Paris (75008), représentée par son président ; la SOCIETE D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1006372 du 9 décembre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu, à la demande de M. Pierre A, la décision du 4 novembre 2011 par laquelle la Commission supérieure du cheval français a confirmé la décision du 24 août 2011 de la SOCIETE D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS retirant à l'intéressé l'autorisation d'entraîner des chevaux et de monter en course pour une période d'un an, du 15 septembre 2011 au 15 septembre 2012 inclus ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 mars 2012, présentée pour M. A ;

Vu la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, modifiée par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;

Vu le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 ;

Vu le décret n° 2010-314 du 2 novembre 2010 ;

Vu le code des courses au trot, approuvé par le ministre chargé de l'agriculture ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS et de la SCP Gaschignard, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS et à la SCP Gaschignard, avocat de M. A ;




Considérant que la SOCIETE D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS a, par une décision du 24 août 2011, retiré à M. A l'autorisation d'entraîner des chevaux et de monter en course pour une période d'un an, du 15 septembre 2011 au 15 septembre 2012 inclus ; que, par une ordonnance du 9 décembre 2011 contre laquelle elle se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, à la demande de M. A, suspendu la décision du 4 novembre 2011 par laquelle la Commission supérieure du cheval français a confirmé la décision de la SOCIETE D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 312-10 du code de justice administrative : " Les litiges relatifs aux législations régissant les activités professionnelles, notamment les professions libérales, les activités agricoles, commerciales et industrielles, (...) ceux concernant les sanctions administratives intervenues en application de ces législations relèvent, lorsque la décision attaquée n'a pas un caractère réglementaire, de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve soit l'établissement ou l'exploitation dont l'activité est à l'origine du litige, soit le lieu d'exercice de la profession " ; que l'article R. 312-1 du même code précise que " Lorsqu'il n'en est pas disposé autrement par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée ou a signé le contrat litigieux " ;

Considérant qu'en jugeant, pour reconnaître sa compétence au titre de l'article R. 312-1 du code de justice administrative, que faute de lieu déterminé d'exercice des professions de driver ou de jockey et d'entraîneur et donc faute d'établissement ou d'exploitation dont l'activité serait à l'origine du litige, le litige ne relevait pas de l'article R. 312-10, alors que la profession d'entraîneur de chevaux, pour laquelle M. A a fait l'objet de la décision contestée, s'exerce de façon habituelle au sein d'un établissement d'entraînement, le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article R. 312-10 du code de justice administrative ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce ;

Considérant que, pour justifier de l'urgence, M. A fait valoir que la décision de retrait temporaire de l'autorisation d'entraîner et de monter en course est de nature à le priver de la totalité de son chiffre d'affaires en tant qu'entraîneur et driver durant la période de suspension et aura, par suite, des conséquences graves sur son entreprise et son personnel ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, ne s'étant pas vu retirer son agrément de propriétaire, est toujours autorisé à faire participer ses chevaux aux courses et à en retirer les revenus ; qu'un des membres du personnel de l'entreprise de M. A s'est également vu délivrer la licence d'entraîneur le 1er décembre 2011 ; qu'eu égard à ces circonstances, au caractère répété des infractions commises par M. A au code des courses de trot et compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à la régularité des courses hippiques de trot, ouvertes au pari mutuel, l'argumentation présentée par M. A n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une situation d'urgence pouvant justifier une mesure de suspension ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner si M. A fait état de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de la Commission supérieure du cheval français du 4 novembre 2011, les conclusions de la requête tendant à la suspension de l'exécution de cette décision doivent être rejetées et, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SOCIETE D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement à la SOCIETE D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS de la somme de 2 500 euros au titre des mêmes dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance n° 1006372 du 9 décembre 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La requête de M. A est rejetée.

Article 3 : M. A versera à la SOCIETE D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. A présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'ENCOURAGEMENT A L'ELEVAGE DU CHEVAL FRANÇAIS et à M. Pierre A.