Droit des Jeux d'argent et de hasard: La ligue de football n'est pas responsable à l'égard des tiers de certaines décisions prises par les arbitres

14.3.13

La ligue de football n'est pas responsable à l'égard des tiers de certaines décisions prises par les arbitres

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La cour administrative d'appel de Nantes décide que seul l'arbitre d'un match de football professionnel est compétent à déclarer le terrain impraticable et que toutes les conséquences qui découlent de cette décision arbitrale ne peuvent engager la responsabilité de la Ligue conformément à l'article l'article 331 du règlement des compétitions des championnats de France professionnels de Ligue 1 et Ligue 2.




(V. aussi : Sébastien Degommier, Responsabilité d'une fédération sportive du fait de la décision d'un arbitre, AJDA, 14 janv. 2013, n°1, p. 50.)

Cour Administrative d'Appel de Nantes
3ème chambre
15 novembre 2012
N° 11NT01969
Inédit au Recueil Lebon


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS 

Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2011, présentée pour M. Stéphane A, demeurant ..., par Me Arion, avocat au barreau de Rennes ; M. A demande à la cour : 

1°) d'annuler le jugement n° 09-450 du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Ligue de football professionnel à lui verser les sommes de 9 750 euros au titre de son préjudice corporel, de 566 740,77 euros au titre de son préjudice économique, de 5 000 euros au titre de son préjudice moral à raison des fautes commises par l'arbitre du match qui s'est déroulé le 14 janvier 2005 à Lorient et au cours duquel il a été blessé ; 

2°) de déclarer la Ligue de football professionnel responsable de la faute commise par l'arbitre en sa qualité de préposé au cours du match où il a été blessé et par suite de l'accident dont il a été victime ; 

 3°) de condamner la Ligue de football professionnel à lui verser la somme de 9 675 euros au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts et de surseoir à statuer sur la réparation des postes de préjudice de dépenses de santé actuelles et des pertes de gains professionnels actuels et futurs ainsi que sur l'incidence professionnelle dans l'attente du recours du tiers-payeur ; 

4°) de mettre à la charge de la Ligue de football professionnel les dépens ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.................................................................................................................... 

Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 : - le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ; - les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ; - les observations de Me Arion, avocat de M. A ; - et les observations de Me Morain, substituant Me Barthélémy, avocat de la Ligue de football professionnel ; 

1. Considérant qu'au cours du match de football ayant opposé le 14 janvier 2005 le FC Lorient au club de Montpellier au stade du Moustoir à Lorient (Morbihan), M. A, gardien de but du FC Lorient, a été victime d'une fracture fermée du tibia droit à la suite d'un choc violent avec un joueur de l'équipe adverse ; qu'après une immobilisation plâtrée pendant neuf semaines et une rééducation fonctionnelle du 3 mars au 13 mai 2005, il n'a pas été maintenu à son poste ; qu'estimant que la perte de rémunération qu'il avait subie à compter de son accident trouvait son origine dans la décision fautive prise par l'arbitre de la rencontre de faire jouer le match sur un terrain rendu impraticable par la pluie, M. A a, tout d'abord, saisi le tribunal de grande instance de Lorient d'une action indemnitaire dirigée contre la Ligue de football professionnel, chargée de l'organisation du football professionnel ; que le juge de la mise en état de ce tribunal a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de cette demande par une ordonnance en date du 7 décembre 2006, ordonnance confirmée, sur appel de M. A, par un arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 26 septembre 2007 ; que l'intéressé a alors saisi le tribunal administratif de Rennes de la même demande indemnitaire en recherchant la responsabilité de la Ligue de football professionnel du fait des fautes qu'il impute à l'arbitre du match au cours duquel il a été blessé et qui a laissé la rencontre se dérouler alors que le terrain aurait été impraticable ; que M. A relève appel du jugement du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; 

2. Considérant qu'aux termes de l'article 323 du règlement des compétitions des championnats de France professionnels de Ligue 1 et Ligue 2, dans sa rédaction en vigueur pour la saison 2004/2005 : " Afin d'exercer ses attributions, l'arbitre doit, avec ses assistants, se présenter aux vestiaires au moins une heure avant le coup d'envoi. L'arbitre est tenu d'examiner le terrain (...) trois heures avant le début du match en Ligue 2, afin de prendre éventuellement, en accord avec le commissaire désigné par le club visité et le délégué, toutes dispositions utiles au déroulement régulier de la rencontre " et qu'aux termes de l'article 331 du même règlement : " L'arbitre est seul qualifié pour déclarer le terrain impraticable. Toutefois, lorsqu'il est certain, étant donné la situation (inondation généralisée, épaisseur importante de neige (...) que le terrain sera impraticable le jour du match, le club recevant doit informer la Ligue de football professionnel de l'état du terrain au plus tard la veille du match avant 10 heures. " ; qu'enfin, selon l'article 346 du règlement précité : " les réclamations sur la régularité du terrain doivent être présentées à l'arbitre dès son arrivée et au plus tard 45 mn avant l'heure fixée pour le début du match. " ; 

3. Considérant que si, lorsque le juge administratif connaît des actes pris tant par les arbitres et les juges des compétitions à caractère sportif que par les organes des fédérations en cette matière, ni l'application des dispositions techniques propres à chaque discipline ni l'appréciation des performances des participants ne peuvent être discutées devant lui, il lui appartient d'exercer son contrôle sur le respect des principes et des règles qui s'imposent aux auteurs de tout acte accompli dans l'exercice d'une mission de service public

4. Considérant que la décision que l'arbitre, seul qualifié en application des dispositions précitées de l'article 331 du règlement des compétitions des championnats de France professionnels de Ligue 1 et Ligue 2, prend de déclarer ou non un terrain praticable relève non des principes et des règles qui s'imposent aux auteurs de tout acte accompli dans l'exercice d'une mission de service public mais se rattachent à l'application des dispositions techniques propres à la discipline du football ; que cette décision arbitrale ne peut en conséquence être discutée devant le juge administratif et n'est pas susceptible de servir de fondement à une action en responsabilité ; que M. A n'était dès lors pas fondé à rechercher la responsabilité de la Ligue de football professionnel du fait des préjudices subis qu'il impute à la décision de l'arbitre du match au cours duquel il a été blessé de laisser la rencontre se dérouler malgré l'état du terrain ; 

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à engager la responsabilité de la Ligue de football professionnel ; Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ligue de football professionnel qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. A la somme que la Ligue de football professionnel demande sur le fondement des mêmes dispositions ; 

DÉCIDE : 

Article 1er : La requête de M. A est rejetée. 
Article 2 : Les conclusions de la Ligue de football professionnel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. 
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Stéphane A, à la Ligue de football professionnel et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan. 
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N° 11NT01969 Composition de la juridiction : Mme PERROT, M. Olivier COIFFET, M. DEGOMMIER, ARION


Matthieu Escande
Posté par :
Matthieu ESCANDE
Docteur en Droit / Ph.D in Law
Elève avocat / Trainee solicitor
Spécialiste des jeux d'argent et de hasard