Droit des Jeux d'argent et de hasard: Les libertés communautaires et la politique législative en matière de jeux de hasard des États membres (Staatsanwaltschaft Linz contre Ernst Engelmann)

24.2.10

Les libertés communautaires et la politique législative en matière de jeux de hasard des États membres (Staatsanwaltschaft Linz contre Ernst Engelmann)

Dans le cadre d’une jurisprudence déjà bien fournie, la Cour se verra, cette fois-ci, appelée à se prononcer sur la conformité avec les articles 43 CE et 49 CE d’une réglementation nationale qui réserve l’exploitation des jeux de hasard dans les établissements de jeu exclusivement aux sociétés anonymes qui possèdent leur siège sur le territoire de l’État membre en question, qui limite la durée des concessions à quinze ans et qui permet aux organisateurs titulaires d’une concession de faire de la publicité encourageant la participation aux jeux en question.


Dans ces conditions, le Landesgericht Linz a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour à titre préjudiciel dans les termes suivants:

«1) L’article 43 [CE] doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à une disposition légale d’un État membre qui réserve l’exploitation des jeux de hasard dans les établissements de jeu exclusivement aux sociétés constituées en sociétés anonymes qui possèdent leur siège sur le territoire de cet État membre et qui impose donc la fondation ou l’acquisition d’une telle société dans cet État membre?

2) Les articles 43 [CE] et 49 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent tout monopole national de certains jeux de hasard, comme les jeux de hasard pratiqués dans les établissements de jeu, lorsque l’État membre concerné ne possède pas de politique cohérente et systématique de restriction des jeux de hasard parce que les organisateurs titulaires d’une concession nationale encouragent la participation aux jeux de hasard – tels que des paris sportifs et des loteries nationaux – et font de la publicité en ce sens à la télévision, dans les journaux ou les magazines, une publicité annonçant même qu’une somme d’argent en liquide pour un bulletin de participation sera offerte peu avant le tirage du loto (‘TOI TOI TOI – Glaub’ ans Glück’) (‘Bonne chance – Crois à la chance’)?

3) Les articles 43 [CE] et 49 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à une disposition nationale conformément à laquelle toutes les concessions d’exploitation de jeux de hasard et d’établissements de jeu prévues par la législation nationale sur les jeux de hasard sont octroyées pour une période de quinze ans sur la base d’une réglementation qui exclut de l’appel d’offres les candidats de l’espace communautaire (qui ne possèdent pas la nationalité de cet État membre)?»

Des observations écrites ont été déposées devant la Cour par M. Engelmann, la Commission des Communauté européennes et les gouvernements autrichien, belge, grec, espagnol et portugais. À l’audience, qui s’est tenue le 14 janvier 2010, ont formulé oralement leurs observations les représentants de M. Engelmann, la Commission et les gouvernements autrichien, belge, grec et portugais.


Conclusion de l'avocat général

Nous proposons donc que les questions soumises à la Cour reçoivent les réponses suivantes:

«1) L’article 43 CE doit s’interpréter dans le sens qu’il fait obstacle à une disposition légale d’un État membre qui réserve l’exploitation des jeux de hasard dans les établissements de jeu exclusivement aux sociétés constituées en sociétés anonymes qui possèdent leur siège sur le territoire de cet État membre.

2) Le fait que les titulaires d’une concession nationale encouragent la participation aux jeux de hasard et fassent de la publicité n’implique pas nécessairement que la politique nationale de restriction des jeux de hasard manque de cohérence au sens de la jurisprudence. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si ladite publicité est cohérente avec l’objectif de constituer une alternative ‘attrayante’ aux jeux interdits, sans pour autant stimuler excessivement la demande des jeux de hasard. En tout état de cause, cet éventuel manque de cohérence affecterait exclusivement le monopole qui développerait cette activité publicitaire disproportionnée et incohérente.

3) Les articles 43 CE et 49 CE font obstacle à une disposition nationale en vertu de laquelle toutes les concessions d’exploitation de jeux de hasard et d’établissements de jeu sont octroyées sur la base d’une réglementation qui exclut de l’appel d’offres les candidats de l’espace communautaire qui ne possèdent pas la nationalité de cet État membre.

Les articles 43 CE et 49 CE ne font pas obstacle à une limitation de la durée des concessions à quinze ans.»