Droit des Jeux d'argent et de hasard: L'affaire Dominici bientôt devant la Cour de cassation

5.5.11

L'affaire Dominici bientôt devant la Cour de cassation

affaire Dominici
Le commencement de l'affaire se déroule le 20 janvier 2005, 13 h 50, à Vincennes. "L'ami d'un soir" drivé par J-M Bazire commet une infraction lors de la course qui n'est pas sanctionné par les arbitres. "L'erreur grossière" des 10 arbitres relevée par l'avocat du parieur ne trouve pas les faveurs de la cour face à "l'erreur d'appréciation" inhérente au déroulement de la course soulevée par le PMU (Canard Enchaîné, 20 avril 2011).


La cour de cassation ne tardera pas à répondre ou tout du moins à nous éclairé sur la question. Une erreur d’arbitrage peut-elle conduire à une indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du code civil dans le domaine des courses hippiques ? La cour d'appel estime qu'il y a un manque de preuve. Dans cette perspective le chemin risque d'être dur à arpenter pour José Dominici. Le droit français reconnaît un pouvoir souverain aux juges du fond. La Haute Cour ne peut pas par principe intervenir sur l'interprétation de la cour d'appel, elle ne doit uniquement contrôler la bonne application de la règle de droit.

En l'espèce, les médias relatent les faits en indiquant que le cheval "L'ami d'un soir" aurait réalisé 23 foulées, ce qui normalement disqualifie le trotteur de la course. Le code des courses au trot est portant très clair à cet égard :

ARTICLE 72
Allures et disqualifications

affaire
I - Les chevaux doivent accomplir leur parcour au trot régulier. Tout cheval qui prendra toute autre allure devra être immédiatement remis au trot régulier, sans gêner les autres concurrents.

Tout jockey qui n'aura pas manifestement essayé de remettre son cheval au trot régulier, lorsque les circonstances le permettent, ou qui ne se sera pas retiré de la course après la disqualification de son cheval, sera passible d'une amende de quinze à soixante quinze euros. Le retrait de la licence pourra même être prononcé.

II - Est disqualifié, même si son classement à l'arrivée ne lui donne droit à aucune allocation :

a) tout cheval qui prend ou conserve, au galop ou à l'amble, un avantage déterminant sur ses concurrents;

b) tout cheval qui effectue, quel que soit le nombre de fautes, 15 foulées dans l'une de ces allures avec une rigueur accrue et progressive en fin de parcours;

c) tout cheval qui effectue une foulée au galop ou à l'amble dans la dernière partie du parcours matérialisée par un panneau signalétique rouge et blanc, ou qui atteint ainsi le poteau d'arrivée.

Le panneau signalétique rouge et blanc est implanté, en fonction de la configuration de la piste, à une distance variant entre 100 mètres au minimum et 200 mètres au maximum du poteaéu d'arrivée.

III - Peut être disqualifié, même si son classement à l'arrivée ne lui donne droit à aucune allocation :

a) tout cheval qui prend ou conserve un avantage déterminant sur ses concurrents dans une allure autre que celle du trot régulier (traquenard ou aubin);

b) tout cheval qui effectue plus de 5 foulées dans l'une de ces allures (traquenard ou aubin) dans la dernière partie du parcours matérialisée par le panneau signalétique rouge et blanc ci-dessus mentionné.

IV - Toute décision entraînant la disqualification d'un cheval en raison des dispositions du présent article doit être prise soit immédiatement pendant le parcours, soit avant le signal indiquant la fin du pesage qui suit la course ; elle est sans appel.

Concrètement le classement de L'ami d'un soir parmi les quatre premiers a entrainé  la perte d'une chance de remporter 36000 euros à José Dominici sur les paris qu'il avait constitué sur la course. Le driver, J-M Bazire, sur sa monture a bien enfreint le code des courses au trot conduisant à un préjudice à l'encontre d'un parieur. Nous savons que ceci permet sans aucun doute l'indemnisation de la victime pour la perte d'une chance. En effet, "le préjudice du parieur s'analysant en la perte d'une chance de gains en relation directe de cause à effet avec la faute [...] qui était de nature à fausser le résultat de la course" (Cour de cassation, 2ème chambre civile, 4 mai 1972).

Reste à savoir si l'erreur arbitrale vient légitimer la non application de l'article 1382 du code civil. Juridiquement et logiquement la situation semble favorable au demandeur mais restons prudent car  la Cour de cassation pourrait chasser d'un revers de la main le pourvoi si celui-ci n'a que pour objet de remettre en question l'appréciation de la cour d'appel sur les faits.



Matthieu Escande
Posté par :
Matthieu ESCANDE
Enseignant-Chercheur en Droit
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Détaché au Collège Universitaire français de Moscou/MGU 
Doctorant en Droit Université de Toulouse I 
Institut de Recherche en Droit Européen, International et Comparé