Droit des Jeux d'argent et de hasard: Ontario Jockey Club c. Canada (Procureur Général), 1998 CanLII 7439 (C.F.)

14.3.99

Ontario Jockey Club c. Canada (Procureur Général), 1998 CanLII 7439 (C.F.)


OTTAWA (ONTARIO) le 9 février 1998
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE REED
     AFFAIRE INTÉRESSANT l'alinéa 204(1)c) du Code criminel, L.R.C.
     (1985), ch. C-46, et ses modifications
     ET le paragraphe 7(2) du Règlement sur la surveillance du pari mutuel,             DORS/91-365, et ses modifications
ENTRE :
     THE ONTARIO JOCKEY CLUB,
     requérant,
     - et -
     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
     intimé.
     ORDONNANCE
     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
                     B. Reed                                   Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.

Date : 19980209

Dossier : T-570-97
     AFFAIRE INTÉRESSANT l'alinéa 204(1)c) du Code criminel, L.R.C.
     (1985), ch. C-46, et ses modifications
     ET le paragraphe 7(2) du Règlement sur la surveillance du pari mutuel,             DORS/91-365, et ses modifications
ENTRE :
     THE ONTARIO JOCKEY CLUB,
     requérant,
     - et -
     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
     intimé.
     MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE REED


[1]      Le requérant sollicite une ordonnance annulant une décision du directeur exécutif de l'Agence canadienne du pari mutuel. Dans cette décision, le directeur exécutif a refusé de modifier le permis de pari mutuel du requérant afin d'y prévoir que celui-ci est autorisé à accepter des paris pour des courses de chevaux faits par l'intermédiaire d'ordinateurs personnels en liaison directe, c'est-à-dire sans que la personne qui fait le pari soit présente à l'hippodrome. Dans une lettre datée du 19 mars 1997, le directeur exécutif a refusé de modifier le permis pour le motif que, s'il acceptait d'apporter la modification demandée, il contreviendrait à l' article 204 du Code criminel.


[2]      Il est important de reproduire intégralement le texte de la lettre de refus parce qu'il y a désaccord quant aux motifs qui sont à l'origine de ce refus :
    
     [TRADUCTION] J'accuse réception de votre lettre du 11 mars 1997.        
    
     L' article 204 du Code criminel indique les exceptions aux interdictions prévues en matière de jeux aux articles 201 à 203. Le paragraphe 7(2) duRèglement sur la surveillance du pari mutuel ne m'habilite pas à modifier les dispositions de l' article 204 du Code criminel. Je rejette par conséquent votre demande de modification du permis de pari mutuel du Ontario Jockey Club's.


        
[3]      L'avocat du requérant soutient que le motif à l'origine de cette décision est que le directeur exécutif considère qu'un pari fait à l'aide d'un ordinateur en liaison directe n'est pas visé par l'exception décrite au sous-alinéa 204(1)c)(i) du Code criminel parce que la personne qui fait le pari n'est pas présente à l'hippodrome. Il fait toutefois valoir que lorsqu'un système de traitement en liaison directe est utilisé, " les paris faits ou les inscriptions de pari faites " sont faits à l'hippodrome où ont lieu les courses. Subsidiairement, si les deux ne sont pas faits à l'hippodrome, les inscriptions des paris le sont et c'est suffisant pour que ce système de paris soit visé par l'exemption prévue à l'alinéa 204(1)c) du Code criminel.


[4]      L'article 204 décrit les circonstances dans lesquelles les dispositions générales du Code criminel interdisant de tenir une maison de jeu ou de pari ne s'appliquent pas :
     204.(1) Les articles 201 et 202 ne s'appliquent pas :

     a)      à une personne ou association en raison du fait qu'elle est devenue gardienne ou dépositaire de quelque argent, bien ou chose de valeur, mis en jeu, devant être payés, selon le cas :

        
         (i)      au gagnant d'une course, d'un sport, d'un jeu ou d'un exercice légitimes,     
        
         (ii)      au propriétaire d'un cheval engagé dans une course légitime,
               
         (iii)      au gagnant de paris entre dix particuliers au plus;
               
  
 b)
      à un pari privé entre des particuliers qui ne se livrent d'aucune façon à l'entreprise de parieurs;
        

    c)
      aux paris faits ou aux inscriptions de paris faites par l'intermédiaire d'un système de pari mutuel sur des courses de chevaux, des courses de chevaux au trot ou à l'amble si
        
     
 (i)      d'une part, les paris ou les inscriptions de paris sont faits à l'hippodrome d'une association, relativement à une course tenue à un hippodrome ou à un autre situé au Canada ou non et, dans le cas d'une course qui se tient à un hippodrome situé à l'étranger, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ou la personne qu'il désigne a, en conformité avec le paragraphe (8.1), agréé l'organisme chargé de réglementer la course et permis le pari mutuel au Canada sur cette course,
                
     
  (ii)      d'autre part, les dispositions du présent article et des règlements sont respectées.
                
  
 (1.1)      Il est entendu que tout acte visé par les articles 201 ou 202 peut s'accomplir dans le cadre du pari mutuel autorisé par la loi.
        
  
(2)      Pour l'application de l'alinéa (1)c), les paris faits soit dans une salle de paris visée à l'alinéa (8)e), soit par téléphone à l'hippodrome d'une association ou à une telle salle de paris, en conformité avec les règlements, sont réputés faits à l'hippodrome de l'association.
        
  
 (3)      Aucune personne ou association ne peut utiliser un système de pari mutuel relativement à une course de chevaux, à moins que le système n'ait été approuvé par un fonctionnaire nommé par le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et que ce système ne soit conduit sous la surveillance de ce fonctionnaire.
        
     ...

                             (non souligné dans l'original)


[5]      Malgré l'argumentation habile de l'avocat du requérant, il faut interpréter le sous-alinéa 204(1)c)(i) en fonction du paragraphe 204(2). Cette dernière disposition prévoit expressément que les paris faits dans une salle de paris ou par téléphone sont " réputés " être faits à l'hippodrome. Si le sous-alinéa 204(1)c)( i) avait le sens que lui attribue le requérant, le paragraphe 204(2) ne serait pas nécessaire. Il faut présumer que le législateur n'insère pas des dispositions redondantes et inutiles dans les lois. C'est là un principe ordinaire d'interprétation législative.


[6]      Les deux parties reconnaissent que l'article 204 a pour but d'interdire les paris mutuels hors hippodrome illégitimes et de garantir que les paris sont faits à l'hippodrome, par l'intermédiaire d'un système de pari mutuel réglementé et approuvé. Une façon d'assurer que le pari est réglementé est d'exiger qu'il soit fait à l'hippodrome. Le requérant est d'avis que le système de traitement en direct respecte ces objectifs. L'intimé est de l'avis contraire.


[7]      Bien que les règles d'interprétation législative favorisent la thèse de l'intimé, il est inutile, aux fins de la présente espèce, que je me prononce sur la question de l'interprétation correcte de l'alinéa 204(1)c). L'avocat de l'intimé a avancé des arguments convaincants suivant lesquels, peu importe la réponse à cette question, la présente demande doit être rejetée.


[8]      L'avocat souligne tout d'abord que la lettre du 19 mars 1997 ne se limite pas au sous-alinéa 204(2)c)(i). Elle renvoie à l'article 204 en général, qui exige, pour que l'exemption décrite à l'alinéa 204(2)c) s'applique, que les conditions des sous-alinéas (ii) et (i) soient remplies. Le sous-alinéa (ii) exige que les dispositions du Règlement sur la surveillance du pari mutuelDORS/91-365 et ses modifications, soient respectées. L'article 53 du Règlement prévoit ce qui suit :
  

 53. Sauf disposition contraire des articles 76 à 89, il est interdit à l'association d'accepter de quiconque des paris ou des instructions de pari sur une coursequi sont communiqués par téléphone, par télégramme ou par tout autre moyen de communication situé à l'extérieur de l'hippodrome où se déroule la course.
        
                            
 (non souligné dans l'original)

Les articles 76 à 89 traitent des exceptions applicables aux paris par téléphone et aux paris en salle.


[9]      L'avocat de l'intimé fait aussi remarquer que, de toute manière, l'approbation d'un système de paris par ordinateur en liaison directe ne peut pas, en vertu de la loi et des règlements, être obtenue par la délivrance d'un permis ou d'une modification à un permis. Pour obtenir un permis, il faut respecter les exigences de l'alinéa 3(1)a), du paragraphe 3(2) et des articles 4 à 11 du Règlement. Un permis est une exigence fondamentale pour le pari mutuel, mais il ne traite que d'un nombre limité de questions. Parmi celles-ci, on trouve notamment les types de paris qui peuvent être faits à un hippodrome (par exemple, pari double, jumelé, couplé gagnant) pendant un nombre précis de jours et de fois au cours d'une année donnée. Même lorsqu'un permis a été obtenu, l'association doit néanmoins obtenir l'approbation des systèmes et des installations qu'elle se propose d'utiliser. L'article 3 du Règlement prévoit ce qui suit :


     L'association ne peut tenir un pari mutuel que si les conditions suivantes sont réunies :        
     a)      elle est titulaire d'un permis;
     b)      le système de pari mutuel et les installations nécessaires à sa surveillance et à son exploitation ont été approuvés.


[10]      L'avocat de l'intimé fait valoir que le requérant est titulaire d'un permis valide. C'est une approbation aux termes de l'alinéa 3(1)b) qui est requise pour exploiter un système de pari par traitement en liaison directe, et non un permis aux termes de l'alinéa 3(1)a). Le requérant n'a pas demandé, aux termes de l'alinéa 3(1)b), l'approbation du système de pari qu'il se propose d'utiliser. Il est évident qu'une modification du permis ne permettrait pas au requérant d'obtenir le résultat qu'il recherche.


[11]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
                        B. Reed                              Juge
OTTAWA (ONTARIO)
9 février 1998
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
     COUR FÉDÉRALE DU CANADA
     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
N0 DU GREFFE :          T-570-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      The Ontario Jockey Club c. Procureur général du                         Canada
LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      4 février 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE de madame le juge Reed en date du 9 février 1998
ONT COMPARU :
P. David McCutcheon          pour le requérant
Michael P. Neylan
Michael H. Morris          pour l'intimé
John Vassi-Nagy     
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Fraser & Beatty
Toronto (Ontario)          pour le requérant
George Thomson
Sous-procureur général du Canada     
Ottawa (Ontario)          pour l'intimé