Droit des Jeux d'argent et de hasard: L'avocat Général de la CJUE soutient les monopoles dans une nouvelle affaire

7.4.11

L'avocat Général de la CJUE soutient les monopoles dans une nouvelle affaire

CJUE
Les conclusions de l'avocat général Yves Bot sont remarquables dans le sens où il défend les monopoles portant sur le secteur des jeux d'argent et de hasard. L'arrêt Santa Casa en était les prémisses, l'arrêt sporting exchange en était troublant mais cette dernière affaire est probablement la confirmation de réel revirement de la par de la Cour de Justice.

Il suffit de regarder les conclusions d'Yves Bot qui se passe de commentaire :

"Un monopole d’exploitation de jeux par Internet peut être justifié alors même que le titulaire de ce monopole mène une politique expansionniste grâce à une publicité intensive lorsque cette expansion et cette publicité sont nécessaires afin de canaliser les joueurs vers les jeux en ligne autorisés et qu’elles ne sont pas d’une ampleur et d’une nature inconciliables avec la protection des consommateurs contre une incitation excessive au jeu".

Nous préssentions déjà le vent tourner dans cet article: Et si la France avait eu les moyens de garder son monopole ?

C'est un véritable retour en arrière si la Cour du Luxembourg suit les conclusions de l'avocat général. Ce sera la consécration d'un changement de cap à 180°. Je vous propose de prendre connaissance du texte rédigé sous la plume d'Yves Bot.



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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES Bot
présentées le 31 mars 2011 (1)
Affaire C‑347/09

Staatsanwaltschaft Linz
contre
Jochen Dickinger,
Franz Ömer
[demande de décision préjudicielle formée par le Bezirksgericht Linz (Autriche)]
«Libre prestation des services – Réglementation nationale prévoyant un monopole pour l’exploitation de loteries par Internet – Possibilité d’obtenir ce monopole réservée aux seules sociétés de capitaux ayant leur siège social sur le territoire national – Interdiction pour le titulaire du monopole de créer une succursale à l’étranger»





1. La question de la conformité d’un monopole en matière de jeux d’argent ou de hasard avec les libertés de circulation prévues par le droit communautaire a donné lieu, depuis le mois de septembre 2009, à plusieurs arrêts préjudiciels qui ont permis à la Cour de préciser sa jurisprudence antérieure (2).

2. Il ressort de ces arrêts, tout d’abord, qu’un tel monopole peut être conforme à ces libertés s’il a pour objectifs d’assurer un niveau élevé de protection de l’ordre public et de défense des consommateurs, et s’il est organisé et exercé de manière à atteindre effectivement ces objectifs.

3. Il en ressort, ensuite, que le titulaire de ce monopole peut être non seulement une entité publique, mais aussi un opérateur privé (3). Dans ce second cas de figure, l’attribution du monopole doit être effectuée dans le respect du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de transparence, sauf si l’octroi dudit monopole à cet opérateur privé constitue une attribution «in house» (4).

4. Dans le domaine particulier des jeux d’argent par Internet, l’octroi de monopoles a trouvé une justification supplémentaire dans les risques spécifiques que ces jeux présentent (5).

5. En outre, la Cour a indiqué qu’un État membre n’était pas tenu de reconnaître l’autorisation d’exploiter des jeux par Internet délivrée à un prestataire de jeux en ligne par un autre État membre sur le territoire duquel ce prestataire est établi (6).

6. La présente demande préjudicielle du Bezirksgericht Linz (Autriche), qui est parvenue à la Cour à la fin du mois d’août 2009, soit avant le prononcé des arrêts précités, a pour objet l’appréciation de la conformité avec la libre prestation des services de la législation autrichienne applicable aux loteries électroniques.

7. En vertu de cette législation, la fourniture de tels jeux aux personnes résidant en Autriche fait l’objet d’un monopole d’exploitation réservé pour une durée maximale de quinze ans à un opérateur privé qui doit remplir plusieurs conditions. Il doit s’agir, notamment, d’une société de capitaux ayant son siège social en Autriche et elle ne peut pas créer de succursale à l’étranger.

8. La juridiction de renvoi pose plusieurs questions préjudicielles destinées à lui permettre d’apprécier si un tel monopole et les conditions qui sont imposées par son droit interne pour l’octroi de celui-ci sont conformes au droit communautaire.

9. La plupart de ces questions trouvent leur réponse dans la jurisprudence et, en particulier, dans les arrêts rendus postérieurement à la réception de la décision de renvoi.

10. La présente affaire offre, néanmoins, à la Cour l’opportunité d’apporter des précisions complémentaires à sa jurisprudence en ce qui concerne la condition selon laquelle la société titulaire du monopole doit avoir son siège social sur le territoire de l’État membre concerné.

11. Dans l’arrêt Engelmann, précité, une telle condition, en tant qu’elle était imposée à des concessionnaires d’établissements de jeux traditionnels tels que des casinos, a été jugée disproportionnée par rapport aux objectifs de contrôle et de protection de l’ordre public invoqués par le gouvernement autrichien.

12. Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour de dire pour droit que cette même condition, dans le cas très spécifique d’un monopole d’exploitation de jeux par Internet, peut être justifiée.

13. Nous rappellerons qu’un régime de monopole, parce qu’il est très restrictif des libertés de circulation, ne peut être justifié que s’il a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’ordre public et de défense des consommateurs.

14. Nous rappellerons également que les jeux d’argent par Internet présentent des risques plus importants pour l’ordre public et les consommateurs que les jeux traditionnels et qu’ils peuvent être fournis à distance, sans infrastructure dans l’État membre de destination, dans laquelle cet État pourrait effectuer lui-même des contrôles approfondis. Nous indiquerons que, en l’état du droit communautaire, il n’existe pas d’instrument de coopération permettant à un État membre d’obtenir d’un autre État membre, sur le territoire duquel un prestataire de jeux en ligne est établi, l’assistance nécessaire à de tels contrôles.

15. Nous en déduirons qu’un État membre peut donc légitimement imposer à l’opérateur titulaire du monopole d’exploitation des jeux par Internet sur le territoire national d’avoir son siège social sur ce territoire afin de pouvoir contrôler efficacement l’activité de cet opérateur.

16. Enfin, nous indiquerons qu’un État membre ne saurait interdire au titulaire du monopole d’exploitation des jeux par Internet sur son territoire de créer une succursale à l’étranger sans démontrer que cette mesure est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général et qu’elle est proportionnée à ces objectifs.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

17. L’exploitation de jeux d’argent, à ce jour, n’a pas fait l’objet d’une réglementation ou d’une harmonisation en droit communautaire. Cette activité a été exclue du champ d’application de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (7).

18. Les jeux d’argent constituant une activité économique, ils relèvent du champ d’application des libertés de circulation, en particulier de l’article 49 CE qui prohibe les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté européenne à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

19. En vertu des articles 55 CE et 48 CE, l’article 49 CE est applicable aux services offerts par une société constituée en conformité avec la législation d’un État membre et ayant son siège statutaire, son administration centrale ou son principal établissement à l’intérieur de la Communauté.

B – Le droit autrichien

20. En Autriche, les jeux de hasard sont réglementés par la loi fédérale sur les jeux de hasard (Glücksspielgesetz) (8).

21. En vertu de l’article 3 du GSpG, le droit d’organiser des jeux de hasard est, en principe, réservé au gouvernement fédéral. Le ministre fédéral des Finances est, néanmoins, autorisé à octroyer des concessions à des personnes privées pour l’organisation de loteries et de loteries électroniques.

22. Les loteries électroniques sont, en vertu de l’article 12 bis du GSpG, définies dans ce contexte comme les «loteries pour lesquelles le contrat de jeu est conclu par des moyens électroniques, la décision sur les gains et les pertes est apportée ou mise à disposition de manière centrale et le participant peut prendre connaissance du résultat immédiatement après la participation au jeu».

23. En vertu de l’article 14 du GSpG, le ministre fédéral des Finances peut attribuer une concession pour l’organisation des loteries et des loteries électroniques. L’article 14, paragraphe 2, du GSpG prévoit que la concession ne peut être accordée qu’à un seul candidat qui:

– est une société de capitaux ayant son siège social dans le pays;

– n’a pas de propriétaires (sociétaires) qui disposent d’une influence dominante et dont l’influence ne permet pas de garantir la fiabilité du point de vue réglementaire;

– dispose d’un conseil de surveillance et d’un capital social versé d’au moins 109 000 000 euros, la provenance légale des fonds devant être démontrée de manière adéquate;

– nomme des directeurs qui, du fait de leur formation, sont professionnellement compétents, disposent des caractéristiques et de l’expérience nécessaires pour l’exploitation correcte de l’activité et contre lesquels il n’y a aucun motif d’exclusion au titre de l’article 13 du code des professions artisanales, commerciales et industrielles;

– compte tenu des circonstances (en particulier les expériences, les connaissances et les moyens propres) permet de s’attendre à ce qu’il réalise pour le gouvernement fédéral les meilleures recettes (taxe de concession et prélèvements sur les paris), et

– pour lequel la structure éventuelle du groupe auquel le ou les propriétaires ayant une participation qualifiée dans l’entreprise appartiennent ne gêne pas un contrôle efficace du concessionnaire.

24. La concession peut, en application de l’article 14, paragraphe 3, première phrase, du GSpG, être accordée pour une durée maximale de quinze ans. Tant qu’une concession de loterie est en vigueur, l’article 14, paragraphe 5, première phrase, du GSpG prévoit qu’aucune autre concession ne saurait être attribuée.

25. En vertu de l’article 15, paragraphe 1, du GSpG, le concessionnaire n’a pas le droit de créer de succursale en dehors du territoire autrichien. En outre, l’acquisition pour le concessionnaire de participations qualifiées dans d’autres sociétés requiert une autorisation du ministre fédéral des Finances. En vertu de l’article 15 bis du GSpG, une telle autorisation est également requise pour une extension de l’activité commerciale du concessionnaire et elle ne doit être accordée que s’il ne faut pas craindre une baisse des recettes du gouvernement fédéral provenant de la taxe de concession ou des prélèvements sur les paris.

26. Le concessionnaire doit, en outre, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, du GSpG, communiquer tous les ans au ministre fédéral des Finances l’identité des personnes participant à son capital social.

27. L’organisation de jeux de hasard à des fins lucratives par une personne non titulaire d’une concession d’exploitation est passible de poursuites pénales prévues à l’article 168 du code pénal autrichien (Strafgesetzbuch).

II – Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

28. MM. Dickinger et Ömer, ressortissants autrichiens, sont les fondateurs du groupe multinational de jeux en ligne bet-at-home.com. La société mère de ce groupe est bet-at-home.com AG, une société de droit allemand ayant son siège à Düsseldorf (Allemagne), qui détient parmi ses filiales bet-at-home.com Entertainment GmbH, une société de droit autrichien. Celle-ci a son siège à Linz (Autriche) et est active dans le domaine des services de traitement automatique des données et des techniques de l’information. Elle dispose, en outre, d’une licence valable pour les paris sportifs en vertu du droit autrichien. Elle a, par ailleurs, créé une filiale, bet-at-home.com Holding Ltd, une société de droit maltais. Cette dernière a créé à son tour trois filiales, à savoir bet-at-home.com Internet Ltd, bet-at-home.com Entertainment Ltd ainsi que bet-at-home.com Internationale Ltd, des sociétés de droit maltais ayant toutes les trois leur siège sur le territoire maltais.

29. Deux de ces sociétés maltaises, à savoir bet-at-home.com Entertainment Ltd ainsi que bet-at-home.com Internationale Ltd, proposent des jeux de hasard et des paris sportifs par Internet. La première société dispose, à cet égard, d’une licence maltaise («Class One Remote Gaming License») valable pour les jeux de hasard en ligne et la seconde d’une licence maltaise («Class Two Remote Gaming License») valable pour les paris sportifs en ligne. L’offre de jeux de hasard et de paris sportifs est mise à disposition par les deux sociétés maltaises sur la plateforme Internet bet-at-home.com. Le site Internet est accessible en langues espagnole, allemande, grecque, anglaise, italienne, hongroise, néerlandaise, polonaise, slovène, turque et russe, mais pas en langue maltaise. À cette adresse Internet sont proposés, notamment, des jeux de hasard comme le poker, le black-jack, le baccarat, la roulette ainsi que des jeux sur des machines à sous virtuelles. Il est possible de jouer à tous ces jeux sans limites de mises.

30. L’exploitation de la plateforme Internet www.bet-at-home.com est assurée exclusivement par bet-at-home.com Internet Ltd et bet-at-home.com Entertainment Ltd. Ces sociétés maltaises sont responsables de l’organisation des jeux. Les participants aux jeux concluent les contrats correspondants exclusivement avec lesdites sociétés, qui sont aussi propriétaires des licences pour les logiciels nécessaires à l’exploitation de la plateforme de jeu.

31. Jusqu’au mois de décembre 2007, bet-at-home.com Entertainment Ltd ainsi que bet-at-home.com Internationale Ltd ont utilisé un serveur installé en Autriche à Linz, mis à leur disposition par bet-at-home.com Entertainment GmbH, qui assurait également l’entretien du site Internet et du logiciel nécessaire pour les jeux. Jusqu’à cette date, le soutien téléphonique aux utilisateurs était situé pour tous les joueurs à Linz. La fourniture de tous ces services de soutien a été facturée aux sociétés maltaises.

32. Une banque autrichienne ayant son siège à Linz servait, en outre, de relation bancaire pour le transfert des mises de jeu. La titulaire du compte en question était bet-at-home.com Internationale Ltd, société maltaise.

33. Sur le fondement de ces faits, une procédure pénale a été engagée contre MM. Dickinger et Ömer pour violation de l’article 168 du code pénal autrichien, sur laquelle la juridiction de renvoi est appelée à statuer en première instance.

34. En réponse à une demande de la Cour, le gouvernement autrichien a précisé que MM. Dickinger et Ömer sont poursuivis dans la procédure au principal en raison d’agissements dans le cadre de leurs fonctions au sein de bet-at-home.com Entertainment GmbH, société autrichienne. Selon ce gouvernement, l’acte de poursuite est libellé ainsi:

«MM. Jochen Dickinger et Franz Ömer ont, en tant que responsables de […] bet-at-home.com Entertainment GmbH, commis du 1er janvier 2006 jusqu’à ce jour l’infraction d’organiser des jeux de hasard au titre de l’article 168, paragraphe 1, du code pénal au profit de la société en offrant par Internet des jeux pour lesquels les gains et les pertes dépendent exclusivement ou principalement du hasard ou qui sont expressément interdits […]»

35. Devant le Bezirksgericht Linz, MM. Dickinger et Ömer ont soulevé l’illégalité de la réglementation nationale applicable aux jeux de hasard au regard des articles 43 CE et 49 CE.

36. Le Bezirksgericht Linz doute sérieusement que les dispositions du code pénal autrichien, lues en combinaison avec les règles autrichiennes sur les jeux de hasard à appliquer dans la présente affaire, soient compatibles avec le droit communautaire. Il a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) a) Les articles 43 CE et 49 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font, par principe, obstacle à une réglementation nationale comme celle de l’article 3 en combinaison avec les articles 14f et suivants et l’article 21 du [GSpG], en vertu de laquelle:

– une concession pour des loteries (par exemple des loteries électroniques) ne peut être accordée pour une durée maximale de quinze ans qu’à un unique concessionnaire qui doit, entre autres, être une société de capitaux ayant son siège en Autriche, ne peut pas créer de succursale en dehors de l’Autriche, doit disposer d’un capital social ou nominal libéré d’au moins 109 000 000 euros et qui permet de s’attendre, compte tenu des circonstances, à ce qu’elle réalise les meilleurs recettes pour le gouvernement fédéral;

– une concession pour des casinos ne peut être accordée pour une durée maximale de quinze ans qu’à un maximum de douze concessionnaires, qui doivent être des sociétés anonymes ayant leur siège en Autriche, ne peuvent pas créer de succursale en dehors de l’Autriche, doivent disposer d’un capital social libéré de 22 000 000 euros et qui permettent de s’attendre, compte tenu des circonstances, à ce qu’ils réalisent les meilleures recettes pour les collectivités locales?

Ces questions se posent en particulier dans le contexte suivant: […] Casino Austria AG est titulaire de l’ensemble des douze concessions de casinos qui ont été attribuées le 18 décembre 1991 pour une durée maximale de quinze ans et qui ont été prolongées entre-temps sans appel d’offres ou communication publique.

b) Si oui, une telle réglementation peut-elle être justifiée par des motifs d’intérêt général de restriction des activités liées aux paris lorsque les titulaires de concessions opérant dans une structure quasi monopolistique exercent de leur côté une politique expansionniste dans le domaine des jeux de hasard grâce à des activités publicitaires intensives?

c) Si oui, la juridiction de renvoi doit-elle, lors du contrôle de la proportionnalité d’une telle réglementation qui poursuit l’objectif de prévenir les actes délictuels en soumettant les opérateurs économiques agissant dans ce domaine à un contrôle et en canalisant ainsi les activités de jeux de hasard soumises à ce contrôle, tenir compte du fait que cette réglementation touche aussi les prestataires de services transfrontaliers qui sont de toute façon soumis dans l’État membre de leur établissement à des obligations et des contrôles stricts liés à leur concession?

2) Les libertés fondamentales du traité CE, en particulier la libre prestation des services au titre de l’article 49 CE, doivent-elles être interprétées en ce sens que, nonobstant le fait que la réglementation de l’ordre juridique pénal demeure par principe de la compétence des États membres, une disposition pénale nationale doit tout de même être mesurée à l’aune du droit communautaire si elle est susceptible d’empêcher ou de gêner l’exercice de l’une des libertés fondamentales?

3) a) Les dispositions combinées de l’article 49 CE et de l’article 10 CE doivent-elles être interprétées en ce sens que les contrôles effectués dans l’État d’établissement d’un prestataire de services et les garanties qui y sont apportées doivent être pris en compte dans l’État où le service est fourni en vertu du principe de la confiance réciproque?

b) Si oui, l’article 49 CE doit-il de plus être interprété en ce sens que, en cas de restriction à la libre prestation des services exercée pour des motifs d’intérêt général, il faut vérifier si cet intérêt général n’a pas été déjà suffisamment pris en compte par les dispositions, contrôles et vérifications auxquels le prestataire de services est soumis dans l’État dans lequel il est établi?

c) Si oui, faut-il, lors du contrôle de la proportionnalité d’une disposition nationale qui menace de sanctions pénales l’offre transfrontalière de services de jeux de hasard sans licence nationale, tenir compte du fait que les intérêts réglementaires invoqués par l’État de la prestation de services pour justifier la restriction à la liberté fondamentale sont déjà suffisamment pris en compte dans l’État de l’établissement par une procédure stricte d’autorisation et de surveillance?

d) Si oui, la juridiction de renvoi doit-elle, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité d’une telle restriction, tenir compte du fait que les dispositions en cause dans l’État dans lequel le prestataire de services est établi vont dans leur intensité même au-delà de celles de l’État de la prestation de services?

e) En cas d’interdiction sanctionnée pénalement des jeux de hasard imposée pour des motifs politiques de protection des joueurs et de lutte contre la criminalité, le principe de proportionnalité exige-t-il en outre que la juridiction de renvoi procède à une distinction entre, d’une part, les fournisseurs qui offrent des jeux de hasard sans la moindre autorisation et, d’autre part, ceux qui sont établis dans d’autres États membres de l’[Union] et y disposent d’une concession et qui exercent leurs activités en invoquant la libre prestation des services?

f) Lors de l’examen de la proportionnalité d’une disposition nationale qui interdit sous peine de sanctions pénales l’offre transfrontalière de services de jeux de hasard sans concession ou autorisation nationale, faut-il enfin tenir compte du fait qu’un fournisseur de jeux de hasard qui a valablement obtenu une licence dans un autre État membre mais qui, en raison de barrières à l’entrée objectives et indirectement discriminatoires, n’a pas pu obtenir une licence nationale et du fait que la procédure d’octroi de licence et de contrôle offre dans l’État de l’établissement un niveau de protection au moins comparable à celui assuré au niveau national?

4) a) L’article 49 CE doit-il être interprété en ce sens que le caractère temporaire de la prestation de services exclurait pour le prestataire la possibilité de mettre en place dans l’État membre d’accueil une certaine infrastructure (comme un serveur) sans le considérer comme établi dans cet État membre?

b) L’article 49 CE doit-il en outre être interprété en ce sens qu’une disposition visant les fournisseurs nationaux de services de soutien et leur interdisant de faciliter à un prestataire qui a son siège dans un autre État membre sa prestation de services représente aussi une restriction à la libre prestation des services de ce prestataire lorsque les fournisseurs de services de soutien sont établis dans le même État membre qu’une partie des destinataires du service?»

III – Notre analyse

37. À titre liminaire, il importe de constater que les questions posées par la juridiction de renvoi excèdent pour partie le cadre du litige au principal et comprennent des interrogations qui sont manifestement inutiles à sa solution. C’est le cas, en particulier, de la première question, sous a), second tiret, à propos du régime de concession prévu par la législation autrichienne en ce qui concerne l’exploitation de casinos.

38. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi et comme le confirment tant les éléments du dossier que la réponse du gouvernement autrichien aux demandes d’éclaircissement de la Cour, les deux personnes poursuivies devant la juridiction de renvoi le sont pour avoir proposé des jeux d’argent par Internet en violation de la législation autrichienne. Le litige au principal ne porte en aucune manière sur l’exploitation de casinos en Autriche.

39. Nous proposons donc à la Cour de n’examiner les questions posées qu’en tant qu’elles se rapportent à la fourniture de jeux par Internet.

40. Les nombreuses questions posées par la juridiction de renvoi recouvrent, selon nous, quatre interrogations que nous proposons d’examiner dans l’ordre suivant.

41. Ainsi, la juridiction de renvoi demande, premièrement, si des dispositions de la législation d’un État membre sanctionnant pénalement tout contrevenant à un monopole d’exploitation de jeux d’argent par Internet doivent être conformes aux libertés de circulation et, en particulier, à l’article 49 CE alors que le droit pénal relève de la compétence des États membres (deuxième question).

42. Elle cherche à savoir, deuxièmement, si l’article 49 CE est pertinent dans la présente affaire alors que, d’une part, les sociétés maltaises utilisent des moyens matériels, tels qu’un serveur, installés en Autriche et, d’autre part, la société qui fournit ces moyens est établie sur le territoire autrichien [quatrième question, sous a) et b)].

43. La juridiction de renvoi s’interroge, troisièmement, sur le point de savoir si le monopole d’exploitation prévu par son droit interne et les conditions auxquelles l’octroi de ce monopole est subordonné sont conformes à l’article 49 CE, en particulier au regard des obligations et des contrôles auxquels les sociétés maltaises sont soumises dans leur État [première question, sous a), premier tiret, et sous c), ainsi que troisième question, sous a) à f)].

44. Elle demande, quatrièmement, si la législation en cause peut être justifiée alors que le titulaire du monopole mène une politique expansionniste grâce à une publicité intensive [première question, sous b)].

A – L’encadrement de la compétence des États membres en matière pénale

45. La juridiction de renvoi demande, en substance, si une réglementation d’un État membre sanctionnant pénalement tout contrevenant à un monopole d’exploitation de jeux d’argent, tel que le monopole d’exploitation des loteries électroniques prévu par le droit autrichien, doit être conforme aux libertés de circulation et, en particulier, à l’article 49 CE alors que le droit pénal relève de la compétence des États membres.

46. Certes, la matière pénale, à l’époque des faits de l’affaire au principal, était une compétence réservée des États membres. Elle le demeure dans une large mesure, malgré les réformes apportées par le traité de Lisbonne. Toutefois, il est de jurisprudence constante que chacun de ces États, dans l’exercice de ses compétences réservées, doit respecter les engagements qu’il a pris dans le cadre du traité CE et, notamment, les libertés de circulation (9).

47. Une disposition du droit d’un État membre ne saurait donc sortir du champ d’application des libertés de circulation et, partant, ne plus être soumise à l’exigence de conformité à ces libertés au seul motif qu’elle relèverait du droit pénal de cet État (10).

48. Cette exigence de conformité en ce qui concerne des dispositions pénales qui, comme dans la présente affaire, sont destinées à garantir le respect d’un monopole d’exploitation en matière de jeux d’argent instauré pour des motifs d’intérêt général se traduit de la manière suivante. Si ce monopole est jugé conforme au droit communautaire, les sanctions pénales qui visent à en assurer le respect le sont aussi, en principe, sauf à ce qu’elles contreviennent elles-mêmes à d’autres normes telles que les droits fondamentaux.

49. À l’inverse, si ledit monopole s’avère contraire à une liberté de circulation, les dispositions pénales qui visent à garantir le respect d’un tel monopole doivent demeurer inappliquées. Il est, en effet, de jurisprudence établie qu’un État membre ne peut appliquer une sanction pénale pour une formalité administrative non remplie lorsque l’accomplissement de cette formalité est refusé ou rendu impossible par l’État membre concerné en violation du droit communautaire (11).

50. Nous proposons donc de répondre à la question examinée qu’une réglementation d’un État membre sanctionnant pénalement tout contrevenant à un monopole d’exploitation de jeux d’argent, tel que le monopole d’exploitation des loteries électroniques prévu par le droit autrichien, doit être conforme aux libertés de circulation, notamment à l’article 49 CE, bien que le droit pénal relève de la compétence des États membres.

B – La pertinence de l’article 49 CE dans la présente affaire

51. La juridiction de renvoi a des doutes sur le point de savoir si le litige dont elle est saisie relève du champ d’application de l’article 49 CE.

52. Elle demande ainsi, en substance, par sa quatrième question, sous a), si l’article 49 CE doit être interprété en ce sens que l’exploitation de jeux par Internet, par un opérateur établi dans un État membre autre que celui de destination, peut être considérée comme ayant un caractère temporaire et relève ainsi de cet article lorsque cet opérateur utilise des moyens matériels de communication tels qu’un serveur et un standard téléphonique situés dans l’État membre de destination et qui lui sont fournis par une entreprise tierce.

53. Elle demande ensuite, par sa quatrième question, sous b), si l’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation d’un État membre, qui interdit à des prestataires établis sur le territoire national de fournir à des sociétés établies dans un autre État membre les moyens de proposer des jeux d’argent par Internet aux personnes résidant sur son territoire, constitue une restriction à la libre prestation des services.

1. L’incidence de l’utilisation de moyens matériels de communication situés dans l’État membre de destination

54. Conformément à une jurisprudence constante, la fourniture, par un opérateur établi dans un État membre, de jeux par Internet à des consommateurs résidant dans un autre État membre constitue une prestation de services au sens de l’article 49 CE (12). Cette jurisprudence découle de celle selon laquelle la fourniture d’une prestation par l’intermédiaire de moyens de communication à des destinataires situés dans un autre État membre que celui du prestataire, sans que ce dernier se déplace dans cet autre État membre, constitue une prestation de services (13).

55. La juridiction de renvoi cherche à savoir si le fait que les entreprises maltaises, qui fournissent des jeux par Internet aux consommateurs résidant en Autriche, utilisent des moyens matériels tels qu’un serveur et un service d’accueil téléphonique, lesquels leur sont fournis par une société établie sur le territoire autrichien, implique qu’elles sont installées de manière stable et durable sur ce territoire, de sorte qu’elles relèveraient non plus de l’article 49 CE, mais des dispositions du traité applicables à la liberté d’établissement.

56. La juridiction de renvoi n’indique pas l’enjeu qui, pour elle, s’attache à cette question. Nous sommes d’avis qu’il n’y en a pas vraiment. En effet, s’il devait être admis que les sociétés maltaises disposent d’un établissement stable en Autriche et qu’elles s’y trouvent ainsi établies au sens des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement, l’examen de la conformité de la réglementation autrichienne en cause au regard de ces dispositions plutôt qu’à l’aune de la libre prestation des services n’aboutirait pas à un résultat différent (14). Dans les deux cas de figure, cette réglementation serait analysée comme une restriction à l’exercice de la liberté de circulation applicable et l’appréciation de sa conformité au droit communautaire en fonction des justifications avancées par le gouvernement autrichien aboutirait à la même conclusion.

57. S’il faut, néanmoins, apporter une réponse à la question examinée, nous serions d’avis que, en l’état des informations fournies par la juridiction de renvoi, il convient de répondre par la négative. En effet, le seul fait, pour un prestataire de jeux en ligne, de recourir à des moyens matériels de communication fournis par une entreprise tierce établie dans l’État membre de destination ne nous paraît pas, en soi, être de nature à établir que ce prestataire dispose dans cet État d’un établissement stable comparable à une agence.

58. Cette situation est à distinguer, selon nous, de celle que la Cour a eu à connaître dans l’arrêt Gambelli e.a., précité. Dans cet arrêt, la Cour a admis que Stanley International Betting Ltd, une société de droit britannique, avait exercé son droit à la liberté d’établissement en Italie, parce que cette société avait passé des accords commerciaux avec des opérateurs ou des intermédiaires italiens en vertu desquels ces derniers rassemblaient et enregistraient les paris des consommateurs italiens afin de les transmettre à ladite société.

59. La Cour en a déduit que Stanley International Betting Ltd poursuivait l’activité de collecte de paris en Italie par l’intermédiaire d’une organisation d’agences (15).

60. Dans la présente affaire, il ne ressort pas des éléments du dossier que les sociétés maltaises aient passé avec la société autrichienne leur fournissant des moyens matériels des accords commerciaux qui auraient pour effet de mandater cette dernière pour agir en permanence pour elles comme le ferait une agence, selon les critères énoncés par la Cour dans l’arrêt du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne (16), et repris dans les arrêts précités Winner Wetten (17) ainsi que Stoβ e.a. (18).

61. Par ailleurs, le recours par un opérateur économique à un serveur situé matériellement dans un État membre n’implique pas que cet opérateur exerce dans cet État son activité économique. À cet égard et bien que la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») (19), exclue les jeux en ligne de son champ d’application (20), il peut être opportun de souligner que, selon le dix-neuvième considérant de celle-ci, le lieu d’établissement d’une société fournissant des services par l’intermédiaire d’un site Internet est non pas le lieu où se situe l’installation technologique servant de support au site, ni le lieu où son site est accessible, mais le lieu où elle exerce son activité économique.

62. Au vu de ces considérations, nous sommes d’avis qu’il convient de répondre à la question examinée que l’article 49 CE doit être interprété en ce sens que la circonstance selon laquelle un prestataire de jeux par Internet utilise des moyens matériels de communication tels qu’un serveur et un standard téléphonique situés dans l’État membre de destination et qui lui sont fournis par une entreprise tierce n’exclut pas, en soi, l’application des dispositions du traité sur la libre prestation des services.

63. Cependant, le contexte factuel particulier de l’affaire au principal rend nécessaire, selon nous, d’apporter un complément à cette réponse. Nous savons, en effet, que les deux sociétés maltaises qui proposent des jeux d’argent par Internet à des consommateurs autrichiens en utilisant un serveur et un service de soutien téléphonique fournis par la société de droit autrichien, à savoir bet-at-home.com Entertainment GmbH, sont les filiales indirectes ou les «petites filiales» de cette société. Elles sont, en effet, les filiales de bet-at-home.com Holding Ltd, société de droit maltais, qui est elle-même la filiale de la société autrichienne.

64. Comme le gouvernement autrichien et la Commission européenne l’indiquent à bon droit, l’article 49 CE ne saurait être applicable dans la présente affaire s’il s’avérait que ces filiales maltaises ont un caractère purement artificiel, démontrant ainsi qu’elles n’auraient été créées que dans le but de permettre à leur société mère autrichienne de contourner l’interdiction d’exploiter des jeux en ligne en Autriche (21).

65. Tel serait le cas si lesdites filiales se trouvaient dépourvues de toute réalité économique. Ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (22), la notion d’«établissement», au sens des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement, implique l’exercice effectif d’une activité économique au moyen d’une installation stable dans l’État membre d’accueil pour une durée indéterminée. Elle suppose, par conséquent, une implantation réelle de la société concernée dans cet État et que cette société y exerce effectivement une activité économique (23).

66. Cette implantation réelle doit pouvoir être vérifiée à partir d’éléments objectifs, tels que le degré d’existence physique de la société en termes de locaux, de personnel et d’équipements (24).

67. C’est pourquoi nous proposons à la Cour de compléter la réponse précédente par la mention selon laquelle l’article 49 CE ne saurait être invoqué s’il s’avérait que, dans les circonstances de la présente affaire, les filiales maltaises ont un caractère purement artificiel destiné à permettre à leur société mère autrichienne de contourner l’interdiction d’exploiter des jeux en ligne en Autriche.

2. L’incidence de l’établissement en Autriche des personnes poursuivies

68. Par sa quatrième question, sous b), la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 49 CE est applicable dans la présente affaire alors que le texte national qui fonde les poursuites est opposé aux responsables d’une société qui est elle-même établie dans l’État membre de destination.

69. La réponse à cette question ne devrait pas susciter de difficultés. L’article 49 CE, dans les circonstances de la présente affaire, est, en quelque sorte, «doublement applicable».

70. D’une part, en effet, une législation nationale, qui, comme la réglementation autrichienne litigieuse, a pour effet d’empêcher une société établie en Autriche de fournir à des prestataires de jeux en ligne établis dans un autre État membre les moyens de proposer leurs jeux à des consommateurs autrichiens, restreint le droit de cette société autrichienne de fournir ses propres services de soutien à ces prestataires. Elle constitue ainsi une restriction à la liberté de la société intermédiaire de fournir ses services (25).

71. D’autre part, l’interdiction par un État membre à ses résidents, sous peine de sanction pénale, de servir d’intermédiaires à un opérateur établi dans un autre État membre afin d’empêcher cet opérateur de fournir ses services sur le territoire de l’État membre d’interdiction constitue également une restriction au sens de l’article 49 CE. En effet, elle a pour effet de restreindre la possibilité de l’opérateur concerné de proposer ses services dans un État membre autre que celui où il est établi et celle des consommateurs résidant dans cet État d’avoir accès auxdits services (26).

72. Nous proposons donc de répondre à la question examinée que l’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation d’un État membre, qui interdit à des prestataires établis sur le territoire national de fournir à des sociétés établies dans un autre État membre les moyens matériels de proposer des jeux par Internet aux personnes résidant sur son territoire, constitue une restriction à la libre prestation des services au sens de cet article.

C – La justification du monopole et des conditions imposées au titulaire de celui-ci

73. La conformité avec le droit communautaire des poursuites en cause dans l’affaire au principal dépend, comme nous l’avons indiqué, de celle du monopole dont elles visent à garantir le respect. La juridiction de renvoi a posé plusieurs questions destinées à lui permettre d’apprécier la conformité de ce monopole.

74. Par sa première question, sous a), elle cherche à savoir si l’article 49 CE s’oppose à un monopole d’exploitation des loteries par Internet et aux conditions auxquelles l’octroi de ce monopole est subordonné dans sa réglementation. Par ses première question, sous c), et troisième question, sous a) à f), la juridiction de renvoi demande si, et le cas échéant dans quelle mesure, le fait que des prestataires de jeux en ligne établis dans un autre État membre sont soumis dans celui-ci à des obligations et à des contrôles doit être pris en considération dans le cadre de l’appréciation de la proportionnalité de cette réglementation.

75. Nous proposons à la Cour d’examiner ces questions ensemble. En effet, les interrogations de la juridiction de renvoi sur l’existence et, éventuellement, la portée d’une obligation de reconnaissance mutuelle des obligations et des contrôles auxquels les sociétés maltaises sont soumises à Malte mettent en cause la validité de l’instauration du monopole litigieux ainsi que, dans une certaine mesure, celle de la condition selon laquelle la société titulaire de ce monopole doit avoir son siège en Autriche.

76. Ces interrogations de la juridiction de renvoi peuvent donc être comprises en ce sens qu’elle demande, en substance, si l’article 49 CE s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle l’exploitation de loteries par Internet est réservée à un concessionnaire unique, dont la concession ne peut excéder quinze ans, qui doit être une société de capitaux ayant un capital social ou nominal libéré d’au moins 109 000 000 euros, qui a son siège dans cet État et qui ne peut pas créer de succursale à l’étranger.

77. La réponse à cette question implique d’examiner successivement les différentes restrictions qui résultent de la réglementation autrichienne, à savoir l’existence d’un monopole, la durée de celui-ci, la forme juridique de la société titulaire de ce monopole et le montant de son capital, l’exigence de la présence du siège social sur le territoire national et, enfin, l’interdiction de créer une succursale à l’étranger.

78. Préalablement à cet examen, il convient de rappeler les principes dégagés par la jurisprudence dans le cadre desquels il doit être effectué.

79. En vertu d’une jurisprudence constante, les États membres sont en droit d’apporter des restrictions à l’exploitation des jeux d’argent sur leur territoire. Les jeux d’argent constituent, en effet, une activité économique qui peut objectivement avoir des conséquences très dommageables tant pour le corps social en raison du risque d’appauvrissement des joueurs auquel peut conduire une pratique excessive que pour l’ordre public en général, compte tenu notamment des revenus importants qu’ils génèrent.

80. La libre prestation des services dans le domaine des jeux d’argent peut donc faire l’objet de restrictions pour des motifs d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, conformément à l’article 46, paragraphe 1, CE, ou encore pour des raisons impérieuses d’intérêt général, telles que la prévention de la fraude et la protection des consommateurs contre une incitation à des dépenses excessives liées au jeu (27).

81. En l’absence d’harmonisation communautaire et dans la mesure où il existe dans ce domaine des divergences considérables d’ordre moral, religieux et culturel entre les États membres, il appartient à chaque État membre d’apprécier, selon sa propre échelle des valeurs, les exigences que comporte la protection des intérêts concernés (28).

82. Il importe, toutefois, que la restriction aux libertés de circulation imposée pour la défense de ces intérêts satisfasse à un test d’aptitude et de proportionnalité. Cette restriction doit ainsi être apte à garantir la réalisation du ou des objectifs qu’elle poursuit, ce qui implique qu’elle soit cohérente et systématique, et être proportionnée (29).

83. Dans le cadre de l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalité des dispositions prises par un État membre, il est acquis que la seule circonstance que cet État a choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre État membre ne saurait avoir aucune incidence, compte tenu de l’absence d’harmonisation de la matière concernée et de la marge d’appréciation des États membres susmentionnée. Ces dispositions doivent seulement être appréciées au regard des objectifs poursuivis par les autorités compétentes de l’État membre concerné et du niveau de protection qu’elles entendent assurer (30).

84. Dans la présente affaire, il ressort des éléments du dossier que la réglementation autrichienne litigieuse a été instaurée afin de lutter contre la criminalité et de protéger les consommateurs. Elle vise, selon le gouvernement autrichien, à prévenir le blanchiment d’argent et la fraude ainsi qu’à lutter contre la criminalité. Elle a également pour but de garantir une sécurité suffisante pour le versement des gains et de protéger les joueurs contre les dépenses excessives liées au jeu.

85. Conformément aux principes susmentionnés, c’est au regard de ces objectifs qu’il convient d’examiner si les restrictions contenues dans la réglementation autrichienne et qui sont visées par la juridiction de renvoi peuvent être considérées comme justifiées. Nous allons les examiner successivement.

1. L’octroi d’un monopole d’exploitation des loteries par Internet

86. Ainsi que nous l’avons indiqué en introduction des présentes conclusions, il ressort d’une jurisprudence bien établie qu’un monopole d’exploitation des jeux d’argent peut être conforme au droit communautaire si ce monopole a pour objectif d’assurer un niveau élevé de protection de l’ordre public et de défense des consommateurs.

87. Ainsi, la Cour a admis que les autorités publiques d’un État membre sont en droit d’estimer que l’octroi de droits exclusifs à un organisme public, dont la gestion est soumise à la surveillance directe de l’État, ou à un opérateur privé, sur les activités duquel les pouvoirs publics sont en mesure d’exercer un contrôle étroit, peut permettre d’assurer de meilleures garanties d’efficacité dans la mise en œuvre de leur politique de défense de l’ordre public et de protection des consommateurs qu’en cas d’exercice de ces activités par des opérateurs privés en situation de concurrence, ces derniers fussent-ils assujettis à un système d’autorisation et soumis à un régime de contrôle et de sanctions (31).

88. L’octroi d’un tel monopole peut permettre, en particulier, d’assurer une meilleure prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées au jeu et du risque d’assuétude qu’un régime ouvrant ce marché à plusieurs prestataires (32).

89. En d’autres termes, l’octroi d’un monopole permet d’éviter les effets préjudiciables de l’instauration d’une concurrence entre plusieurs opérateurs, qui pourrait les inciter à rivaliser d’inventivité pour rendre leur offre plus attrayante et, de cette manière, augmenter les dépenses des consommateurs liées au jeu (33).

90. Cette jurisprudence s’applique, a fortiori, dans le domaine des jeux par Internet en raison des risques supplémentaires que ces jeux comportent pour l’ordre public et les consommateurs (34). Ces risques ont été décrits dans l’arrêt Carmen Media Group, précité, de la manière suivante:

«102 […] [E]n raison du manque de contact direct entre le consommateur et l’opérateur, les jeux de hasard accessibles par Internet comportent des risques de nature différente et d’une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux en ce qui concerne d’éventuelles fraudes commises par les opérateurs contre les consommateurs (arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, précité, point 70).

103 Il convient de relever que les caractéristiques propres à l’offre de jeux de hasard par Internet peuvent, de la même manière, s’avérer une source de risques de nature différente et d’une importance accrue en matière de protection des consommateurs, et singulièrement des jeunes et des personnes ayant une propension particulière au jeu ou susceptibles de développer une telle propension, par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux. Outre le manque de contact direct entre le consommateur et l’opérateur, précédemment mentionné, la facilité toute particulière et la permanence de l’accès aux jeux proposés sur Internet ainsi que le volume et la fréquence potentiellement élevés d’une telle offre à caractère international, dans un environnement qui est en outre caractérisé par un isolement du joueur, un anonymat et une absence de contrôle social, constituent autant de facteurs de nature à favoriser un développement de l’assuétude au jeu et des dépenses excessives liées à celui-ci ainsi que, partant, à accroître les conséquences sociales et morales négatives qui s’y attachent, telles qu’elles ont été mises en exergue par une jurisprudence constante.»

91. Un État membre est donc en droit de réserver à un opérateur privé unique le droit d’exploiter les jeux d’argent par Internet sur son territoire.

92. Cette conclusion étant acquise, les interrogations de la juridiction de renvoi quant à l’existence et à la portée éventuelle d’une obligation pour l’État membre concerné de prendre en considération les obligations et les contrôles auxquels des prestataires de jeux par Internet se trouvent soumis dans l’État membre où ils sont établis sont dépourvues de toute pertinence.

93. Ainsi qu’il est indiqué très clairement dans l’arrêt Stoß e.a., précité, lorsqu’un monopole public a été mis en place dans un État membre en matière de jeux de hasard et qu’il apparaît que ladite mesure satisfait aux diverses conditions permettant de la justifier au regard d’objectifs légitimes d’intérêt général admis par la jurisprudence, toute obligation de reconnaître les autorisations délivrées à des opérateurs privés établis dans d’autres États membres se trouve, par hypothèse même, à exclure, du seul fait de l’existence d’un tel monopole. Ce ne serait que dans l’occurrence où les monopoles en cause seraient tenus pour incompatibles avec le droit communautaire que la question afférente à l’existence éventuelle d’une telle obligation de reconnaissance mutuelle des autorisations délivrées dans d’autres États membres serait susceptible de s’avérer pertinente (35).

94. Cette conclusion s’impose d’autant plus dans le domaine des jeux par Internet. En effet, comme nous l’avons indiqué en introduction, il ressort d’une jurisprudence établie que, eu égard aux difficultés qui peuvent être rencontrées par un État membre pour évaluer les qualités et la probité des prestataires de jeux en ligne établis sur son territoire, les autres États membres sont en droit d’estimer que les contrôles et les obligations auxquels ces prestataires se trouvent soumis dans leur État membre d’établissement ne constituent pas des garanties de protection suffisantes de leurs propres consommateurs contre les risques de fraude et de criminalité (36).

95. Le gouvernement maltais qui, sauf erreur de notre part, n’était pas intervenu dans les précédentes affaires soumises à la Cour en matière de jeux d’argent a, dans ses observations écrites, contesté le bien-fondé de cette jurisprudence. Il a invoqué la qualité des contrôles prévus par sa réglementation.

96. Nous ne croyons pas que l’argumentation du gouvernement maltais justifie de revenir sur ladite jurisprudence. En effet, à partir du moment où il est admis par une jurisprudence établie qu’un niveau élevé de protection des consommateurs contre une incitation à des dépenses excessives liées au jeu peut justifier l’octroi d’un monopole, le débat que le gouvernement maltais cherche à rouvrir ne paraît pas pertinent.

97. Cependant, dans la mesure où un monopole constitue une mesure très restrictive, la jurisprudence exige qu’il vise à assurer un niveau de protection des consommateurs particulièrement élevé. Il doit donc s’accompagner d’un cadre normatif propre à garantir que le titulaire dudit monopole sera effectivement à même de poursuivre, de manière cohérente et systématique, les objectifs ainsi fixés, notamment celui de protéger les consommateurs contre une incitation à des dépenses excessives liées au jeu, ainsi que l’exercice d’un contrôle étroit de la part des autorités publiques (37).

98. La vérification de ces conditions relève de la compétence du juge national (38).

99. Le gouvernement autrichien soutient, à cet égard, que, en vertu de sa réglementation, le titulaire du monopole est tenu de prévoir des standards élevés de protection des joueurs comme la fixation d’un plafond de 800 euros par semaine ainsi que des limites de temps et de mises personnelles. Il ressort également du dossier que ce titulaire exerce ses activités sous la surveillance du ministère des Finances autrichien par l’intermédiaire de commissaires d’État et d’un membre du conseil de surveillance, lesquels disposent d’un droit de regard approfondi sur la gestion de l’entreprise, sans toutefois pouvoir influer directement sur celle-ci.

100. Il revient au juge national d’apprécier si la réglementation autrichienne, telle qu’elle est ainsi conçue et en fonction de la manière avec laquelle elle est mise en œuvre, remplit les conditions susmentionnées.

101. À cet égard, compte tenu de ce que la juridiction de renvoi, par ses questions, a fait mention de la réglementation prévue dans son droit interne en ce qui concerne les établissements de jeux tels que les casinos, il peut être utile d’apporter les précisions suivantes.

102. Selon nous, la conformité du monopole en cause avec le droit communautaire ne saurait être affectée par la circonstance que l’exploitation des casinos, en droit autrichien, fait l’objet non pas d’un monopole, mais d’un système de concessions moins restrictif, puisqu’il est ouvert à douze opérateurs. En effet, les offres de jeux par Internet et dans le cadre de casinos présentent des différences importantes, en particulier dans les conditions dans lesquelles les joueurs peuvent y accéder, de nature à justifier que les premières soient soumises à un encadrement beaucoup plus strict (39).

103. C’est également la raison pour laquelle nous estimons que la circonstance, évoquée au cours de l’audience, selon laquelle la limite de 800 euros par semaine ne s’applique qu’aux loteries par Internet, de sorte qu’un joueur ayant atteint cette limite ne serait pas empêché de s’adonner à d’autres types de jeux traditionnels en Autriche, n’est pas de nature à mettre en cause la cohérence de la réglementation autrichienne relative aux jeux en ligne.

2. La durée du monopole

104. La durée d’un monopole peut constituer en elle-même une restriction aux libertés de circulation, distincte de celle résultant de l’octroi de droits exclusifs, parce que cette durée détermine la période pendant laquelle le marché en cause est fermé aux autres opérateurs.

105. Dans l’arrêt Engelmann, précité, la Cour a indiqué qu’une durée pouvant aller jusqu’à quinze ans pour des concessions d’exploitation d’établissements de jeux constitue elle-même une restriction à la libre prestation des services (40). Cette analyse s’impose, a fortiori, lorsque cette durée de quinze ans au plus est prévue pour l’octroi d’un monopole attribué à un opérateur privé.

106. Dans ce même arrêt, la Cour a estimé, cependant, que l’octroi de concessions pour une telle durée pouvait être justifié eu égard, notamment, à la nécessité pour le concessionnaire de disposer d’un délai suffisamment long pour amortir les investissements exigés par la création d’un établissement de jeux (41).

107. Cette jurisprudence nous paraît transposable dans le cadre de l’octroi d’un monopole d’exploitation de jeux par Internet, même si les investissements nécessaires pour l’exercice de cette activité nous semblent être, a priori, inférieurs à ceux nécessités par l’exploitation de casinos.

108. En outre, accorder un monopole d’exploitation pendant une durée trop brève pourrait inciter l’opérateur titulaire de ce droit exclusif à vouloir maximiser ses profits. Dans cette optique, l’octroi d’un monopole d’exploitation pendant une durée suffisamment longue peut contribuer à la réalisation de l’objectif tenant à la protection des consommateurs contre une incitation à des dépenses excessives liées au jeu.

3. La forme juridique et le montant du capital social

109. La réglementation autrichienne en cause prévoit que le titulaire du monopole d’exploitation des loteries par Internet doit, d’une part, être une société de capitaux et, d’autre part, disposer d’un capital social nominal ou libéré d’au moins 109 000 000 euros.

110. La première de ces exigences prive les personnes physiques et les entreprises établies dans un autre État membre de la possibilité d’exercer l’activité litigieuse en Autriche sous une autre forme de société. La seconde a pour effet de rendre plus difficile la création d’une société de capitaux en mesure de prétendre à l’octroi du monopole en cause. Partant, chacune de ces exigences constitue une restriction à la liberté d’établissement (42). Elles peuvent, néanmoins, être justifiées par les motifs poursuivis par la réglementation autrichienne si elles s’avèrent proportionnées à ces derniers.

111. Le gouvernement autrichien expose, à cet égard, que la condition relative à la forme juridique répond à la volonté d’imposer au titulaire du monopole d’avoir une structure d’entreprise transparente afin de prévenir le blanchiment d’argent et la fraude. Il souligne que le droit communautaire prescrit la même exigence de forme juridique en ce qui concerne le domaine des assurances (43). En ce qui concerne le montant du capital social, il fait valoir qu’il est proportionné au regard du montant des gains que le titulaire du monopole peut être amené à verser dans le cadre des différents jeux qu’il est autorisé à proposer par Internet, ceux-ci pouvant comprendre un jackpot de plusieurs millions.

112. Au regard de ces explications et de la jurisprudence, les deux conditions examinées, sous réserve de l’appréciation du juge national, peuvent sembler justifiées et proportionnées.

113. En ce qui concerne la forme juridique, il convient de relever, d’une part, que, contrairement à la législation en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Gambelli e.a. ainsi que Placanica e.a., la réglementation autrichienne ouvre la possibilité d’exercer le monopole en cause à toutes les sociétés de capitaux sans distinction (44).

114. D’autre part, dans l’arrêt Engelmann, précité, la Cour a indiqué que les contrôles pouvant être imposés par un État membre à un opérateur économique voulant exploiter des jeux d’argent sur son territoire peuvent justifier que cet opérateur soit tenu de revêtir une forme juridique particulière. Elle a précisé que la réglementation autrichienne réservant l’exploitation de casinos à des sociétés anonymes pouvait être justifiée eu égard aux obligations auxquelles cette forme de société est soumise, notamment en ce qui concerne la tenue de ses comptes, les contrôles dont elle peut faire l’objet et les relations avec les tiers (45).

115. Cette analyse devrait pouvoir être transposée à la condition de revêtir la forme d’une société de capitaux, au regard des obligations que la législation communautaire impose aux sociétés de capitaux en ce qui concerne la tenue de leurs comptes et les contrôles auxquels elles sont soumises (46).

116. Nous pouvons donc conclure que les conditions imposées par la réglementation autrichienne selon lesquelles le titulaire du monopole doit revêtir la forme d’une société de capitaux et disposer d’un capital social nominal ou libéré d’au moins 109 000 000 euros peuvent être conformes au droit communautaire, sous réserve de la vérification de leur proportionnalité par le juge national.

4. La situation du siège social

117. La réglementation autrichienne en cause prévoit que le titulaire du monopole d’exploitation des loteries par Internet doit avoir son siège social sur le territoire national.

118. Cette condition constitue sans nul doute une restriction à la liberté d’établissement. Dans l’arrêt Engelmann, précité, elle a été analysée comme une mesure discriminatoire, puisqu’elle instaure une différence de traitement entre les sociétés qui ont leur siège social sur le territoire national et celles dont le siège se trouve dans un autre État membre. Une telle condition empêche également ces dernières d’exploiter des jeux par Internet en Autriche par l’intermédiaire d’un établissement secondaire tel qu’une agence ou une succursale.

119. Dans cet arrêt, la Cour a indiqué, dans le cadre des dispositions de la réglementation autrichienne relative aux établissements de jeux, que la condition selon laquelle les concessionnaires devaient avoir leur siège social en Autriche avait également pour effet d’empêcher une société établie dans un autre État membre d’exercer son activité en Autriche par l’intermédiaire d’une filiale. Lors de l’audience, le gouvernement autrichien a exposé que, en ce qui concerne le monopole d’exploitation des loteries par Internet, il pouvait être octroyé à une filiale d’une société établie dans un autre État membre.

120. Il convient d’examiner si la condition examinée peut être justifiée. Ainsi que la Cour l’a exposé dans ledit arrêt, elle ne peut l’être que par l’un des motifs énoncés à l’article 46 CE, à savoir la protection de l’ordre public, de la sécurité publique ou de la santé publique, en raison de son caractère discriminatoire (47).

121. Le gouvernement autrichien soutient que la présence du siège social sur le territoire national est nécessaire afin de permettre un contrôle efficace des jeux en ligne. Il expose que cette présence permet aux autorités nationales compétentes de surveiller effectivement les décisions et la gestion du titulaire du monopole. Ces autorités seraient ainsi en mesure de connaître les décisions de ce titulaire avant leur mise en œuvre et de s’y opposer si elles violent les objectifs de la politique nationale en matière de jeux. Il soutient qu’il ne disposerait pas des mêmes possibilités à l’égard d’un opérateur établi dans un autre État membre.

122. Comme la Commission, nous sommes d’avis que l’argumentation du gouvernement autrichien peut être suivie.

123. Certes, dans l’arrêt Engelmann, précité, la Cour est parvenue à la conclusion opposée en ce qui concerne la même condition d’établissement imposée par la réglementation autrichienne aux titulaires d’une concession d’exploitation d’un établissement de jeux.

124. Elle a estimé que des moyens moins contraignants pouvaient permettre de contrôler les activités et les comptes des concessionnaires et de combattre ainsi la criminalité, tels que, notamment, la possibilité d’exiger la tenue de comptes séparés pour chaque établissement de jeux, vérifiés par un comptable extérieur, la communication systématique des décisions des organes de direction ainsi que la possibilité de recueillir des informations au sujet de leurs dirigeants (48).

125. La Cour a ajouté que des contrôles pouvaient être effectués sur toute entreprise établie dans un État membre et des sanctions lui être infligées quel que soit le lieu de résidence de ses dirigeants. Enfin, elle a indiqué que, eu égard à l’activité concernée, à savoir l’exploitation d’établissements de jeux situés sur le territoire autrichien, des vérifications pouvaient être effectuées dans les locaux de ces établissements (49).

126. Nous sommes d’avis que ce raisonnement et la conclusion à laquelle la Cour a abouti au terme de celui-ci ne sont pas transposables dans le cadre d’un monopole d’exploitation de jeux par Internet. Nous fondons notre position sur les considérations suivantes, qui se rattachent à la défense de l’ordre public, selon la définition de cette notion dans la jurisprudence, puisqu’elles se rapportent à une menace réelle et suffisamment grave contre un intérêt fondamental de la société (50).

127. Il est constant que les jeux d’argent par Internet présentent des risques plus importants que ceux créés par des établissements de jeux traditionnels tels que les casinos. La dangerosité plus importante de ces jeux, rappelons-le, découle de l’absence de contacts directs entre le joueur et l’opérateur, laquelle est susceptible de favoriser des fraudes tant de la part du consommateur en ce qui concerne son âge ou son identité que de la part de l’opérateur ou de son personnel dans le respect des conditions de déroulement du jeu.

128. Cette dangerosité résulte également de la très grande facilité avec laquelle toute personne peut accéder aux jeux au moyen d’un ordinateur ou d’un téléphone portable, de la permanence de leur accès, de leur volume potentiellement très élevé et de la circonstance que l’environnement du joueur lorsqu’il s’y adonne est, en général, caractérisé par l’isolement, l’anonymat et une absence de contrôle social.

129. Il est donc admis que ces jeux peuvent favoriser un développement de l’assuétude au jeu et des dépenses excessives, tout particulièrement chez les jeunes et les personnes ayant une propension particulière au jeu.

130. Ces caractéristiques particulières justifient, par conséquent, qu’un État membre se dote des moyens d’assurer un contrôle effectif des conditions dans lesquelles l’opérateur économique autorisé à exploiter de tels jeux sur son territoire exerce réellement ses activités. Comme le gouvernement autrichien l’a exposé, un État membre est en droit de vouloir être en mesure de vérifier que sa réglementation est respectée et, le cas échéant, de pouvoir s’opposer à une décision de cet opérateur qui serait contraire aux obligations de celui-ci avant que cette décision n’ait été mise en œuvre et ait provoqué des conséquences sociales dommageables.

131. En d’autres termes, un État membre est en droit d’estimer qu’il ne lui suffit pas d’encadrer l’action du titulaire du monopole par des règles très précises. Il est fondé à vouloir également exercer un contrôle approfondi du respect de ces règles et de se doter de moyens d’action lui permettant de s’opposer préventivement à toute violation de celles-ci.

132. Cependant, la particularité des jeux par Internet tient également au fait qu’ils peuvent être fournis entièrement à distance. Leur fourniture, contrairement à celles des jeux d’argent traditionnels tels que les jeux des casinos, ne nécessite, d’un point de vue matériel, aucune infrastructure sur le territoire de l’État membre de destination que les autorités dudit État pourraient contrôler elles-mêmes.

133. Dans le cas de jeux en ligne fournis à partir d’un autre État membre, les autorités compétentes de l’État membre de destination se trouvent donc dans l’incapacité de procéder elles-mêmes aux contrôles et aux vérifications qui leur sembleraient nécessaires d’effectuer dans les locaux où le prestataire de services exerce ses activités. Il importe de souligner, à cet égard, que, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (51), qui s’applique aux casinos qui fournissent des jeux par Internet, a prévu que les États membres devaient prévoir la possibilité d’effectuer des contrôles sur place. Un État membre est fondé, selon nous, à estimer que la protection de ses consommateurs contre les risques de fraude et d’incitation à des dépenses excessives liées au jeu justifie aussi ce type de contrôles.

134. Or, comme plusieurs États membres l’ont souligné au cours de l’audience, il n’existe, à ce jour, aucun instrument de coopération communautaire en vertu duquel l’État membre d’établissement d’un prestataire de jeux en ligne serait tenu d’apporter aux autorités compétentes de l’État membre de destination toute l’assistance technique dont elles pourraient avoir besoin pour effectuer des contrôles du respect de leur propre réglementation (52).

135. En outre, il n’est pas raisonnable, à notre avis, de penser que les autorités de l’État membre sur le territoire duquel un tel prestataire de jeux est établi sont en mesure de vérifier de manière étroite et approfondie que ce prestataire respecte scrupuleusement et en permanence les obligations auxquelles il se trouve soumis dans chacun des États dans lesquels il est autorisé à exploiter des jeux d’argent. Cela d’autant moins que ces obligations, en l’absence d’harmonisation, diffèrent d’un État membre à l’autre et sont susceptibles d’évoluer dans chacun d’entre eux à tout moment.

136. Une telle analyse s’impose, a fortiori, lorsque l’activité d’un tel prestataire est tournée vers plusieurs États, comme cela paraît être le cas de bet-at-home.com Entertainment Ltd ainsi que de bet-at-home.com Internationale Ltd, dont le site Internet est accessible en langues espagnole, allemande, grecque, anglaise, italienne, hongroise, néerlandaise, polonaise, slovène, turque et russe.

137. Par ailleurs, le principe de reconnaissance mutuelle, qui a normalement vocation à s’appliquer en l’absence d’harmonisation afin de permettre l’exercice des libertés de circulation, n’est pas opposable dans le domaine particulier des jeux par Internet. Ainsi que nous l’avons vu, il est, en effet, de jurisprudence établie que, en raison des difficultés pratiques que pose l’exercice d’un contrôle effectif et approfondi de l’activité d’un prestataire de jeux en ligne, les contrôles effectués dans l’État où il est établi peuvent être jugés insuffisants par les autres États membres (53).

138. Lors de l’audience, la question a été posée de savoir s’il ne suffirait pas d’imposer au prestataire de jeux par Internet d’installer dans l’État membre de destination le serveur permettant de fournir ces jeux sur le territoire de celui-ci. Le gouvernement belge a répondu qu’une telle exigence pouvait s’avérer insuffisante lorsque le serveur est utilisé à partir d’un autre État membre et que toutes les décisions afférentes à cette utilisation sont prises dans ledit État.

139. Au regard des différents éléments d’appréciation qui ont été développés dans le cadre de la présente affaire, il n’apparaît donc pas, selon nous, que la condition examinée est disproportionnée. Un État membre nous paraît fondé à estimer qu’il sera mieux en mesure d’exercer un contrôle étroit et efficace d’un prestataire de jeux par Internet, lui permettant, le cas échéant, de s’opposer à la mise en œuvre d’une décision contraire à sa réglementation, si ce prestataire a son siège sur son territoire.

140. Un dernier argument mérite d’être pris en compte, selon nous, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de cette condition.

141. Nous avons vu que la conformité d’un monopole avec le droit communautaire est subordonnée à la condition que ce monopole ait pour objectif d’assurer un niveau de protection élevé de l’ordre public et des consommateurs et qu’il soit accompagné d’un cadre normatif garantissant la réalisation de ces objectifs ainsi qu’un contrôle approfondi de l’État membre concerné. Ces exigences s’imposent logiquement au regard de l’économie des libertés de circulation, parce qu’un monopole d’exploitation constitue une mesure très restrictive à ces libertés.

142. Il nous paraît donc cohérent avec cette exigence de permettre à un État membre, dans le domaine spécifique des jeux par Internet, d’imposer au titulaire de ce monopole d’avoir son siège social sur son territoire parce que cette mesure lui permet d’exercer un contrôle du respect par cet opérateur de sa politique de protection des consommateurs contre la fraude et contre l’assuétude au jeu beaucoup plus efficace que si ce dernier exerçait son activité à partir d’un autre État membre.

143. Lors de l’audience, les deux parties défenderesses elles-mêmes, MM. Dickinger et Ömer, n’ont d’ailleurs pas manqué d’invoquer le fait que les sociétés qui fournissent les jeux en cause étaient établies sur le territoire maltais et composées de personnes toutes résidentes à Malte comme preuve, entre autres, de la réalité et de l’effectivité du sérieux du contrôle qu’elles exercent. On ne voit, dès lors, pas pourquoi les mêmes conditions érigées aux mêmes fins seraient condamnables au motif qu’elles le seraient par la République autrichienne.

144. Nous proposerons donc à la Cour de dire pour droit que l’article 49 CE ne s’oppose pas à ce qu’un État membre impose à la société de capitaux à laquelle il a octroyé le monopole d’exploitation de jeux par Internet sur son territoire d’avoir son siège social sur celui-ci.

5. L’interdiction de créer une succursale dans un autre État membre

145. L’interdiction de créer une succursale à l’étranger, en tant qu’elle prohibe une telle création dans un autre État membre, constitue la négation explicite de l’un des droits conférés expressément à une société ayant son siège sur le territoire d’un État membre par les articles 43 CE et 48 CE. Cette interdiction est donc susceptible de rendre moins attractif l’exercice du monopole d’exploitation des jeux par Internet en Autriche et de dissuader ainsi une société établie dans un autre État membre de se porter candidate pour l’octroi de ce monopole.

146. Le gouvernement autrichien, dans ses observations écrites, s’est contenté d’indiquer que l’interdiction examinée ne fait que transposer l’idée selon laquelle il revient à chaque État membre de réglementer l’exploitation des jeux d’argent sur son territoire.

147. Nous sommes d’avis que cette explication ne peut pas être retenue comme un motif de restriction valable.

148. Certes, le droit d’exploiter des jeux d’argent dans un État membre dépend du pouvoir d’appréciation de cet État. Cependant, il incombe à chaque État membre d’en décider et, le cas échéant, de prendre les mesures destinées à garantir le respect de sa législation. Si un État membre décide d’ouvrir son marché des jeux d’argent aux opérateurs privés, toute société légalement établie dans un État membre est en droit de vouloir entrer sur ce marché et de se soumettre, le cas échéant, à la procédure d’autorisation mise en place par ledit État.

149. Le gouvernement autrichien ne saurait donc interdire valablement à un opérateur économique, auquel il a octroyé le monopole d’exploitation des jeux par Internet sur son territoire, d’exercer la même activité par l’intermédiaire d’une succursale dans un autre État membre sans expliquer en quoi une telle interdiction est nécessaire à la réalisation d’un objectif légitime tel que la protection de l’ordre public et des consommateurs poursuivis par sa propre réglementation.

150. Il est également nécessaire qu’une telle interdiction poursuive ces objectifs de manière cohérente et systématique. Dans la présente affaire, il serait possible de s’interroger sur la cohérence d’une telle mesure si cette mesure interdisait seulement la création d’une succursale et non celle d’une filiale. Enfin, l’interdiction de créer une succursale à l’étranger doit se révéler proportionnée aux objectifs poursuivis.

151. Dans la mesure où les débats, dans la présente affaire, se sont concentrés sur la validité d’un monopole d’exploitation en matière de jeux par Internet et de la condition relative à la présence du siège social sur le territoire national, nous ne saurions exclure que le gouvernement autrichien puisse invoquer devant le juge national des éléments de justification de la condition examinée.

152. C’est pourquoi nous proposons à la Cour de laisser à ce dernier le soin d’apprécier la validité de cette condition et de répondre que l’article 43 CE s’oppose à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle l’entreprise titulaire du monopole d’exploitation de jeux par Internet sur son territoire a l’interdiction de créer une succursale dans un autre État membre, sauf à ce que cette condition soit valablement justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général et qu’elle soit proportionnée à cet objectif.

D – Le comportement du titulaire du monopole

153. Par sa première question, sous b), la juridiction de renvoi demande, en substance, si un monopole d’exploitation de jeux par Internet peut être justifié lorsque le titulaire de ce monopole mène une politique expansionniste grâce à une publicité intensive.

154. La Cour a répondu à une question comparable, notamment dans les arrêts précités Ladbrokes Betting & Gaming et Ladbrokes International ainsi que Stoß e.a.

155. Il résulte de ces arrêts que la circonstance que le titulaire d’un monopole d’exploitation mène une politique d’expansion et fait de la publicité pour ses jeux n’est pas nécessairement incompatible avec l’existence d’un tel monopole et l’objectif de protection des consommateurs contre une incitation excessive au jeu.

156. Il ressort de la jurisprudence qu’un État membre est fondé à autoriser le titulaire d’un monopole d’exploitation de jeux par Internet à mener une politique d’expansion et à faire une certaine publicité pour ceux-ci s’il est démontré que les jeux en ligne illégaux présentent une dimension suffisamment importante, de sorte que cette expansion et cette publicité s’avèrent nécessaires afin de canaliser les joueurs vers le circuit légal (54).

157. Un État membre, qui se trouverait confronté à un grand nombre de sites Internet non autorisés proposant des jeux d’argent, peut ainsi légitimement permettre au titulaire du monopole d’exploitation de jeux en ligne sur son territoire de faire une publicité d’une certaine ampleur et qui soit suffisamment attractive afin de ramener les consommateurs vers les jeux autorisés.

158. Lorsqu’un État membre vise à la fois à protéger les consommateurs contre une incitation excessive au jeu et à lutter contre la fraude et le jeu clandestin, le point de savoir si sa réglementation poursuit ces objectifs de manière cohérente et systématique doit donc être apprécié au regard de ces différents objectifs pris ensemble (55).

159. Une politique d’expansion contrôlée, soutenue par une publicité d’une certaine envergure destinée à attirer les joueurs vers le circuit légal, ne doit donc pas être considérée comme étant, par principe, incompatible avec l’objectif de protéger les consommateurs contre une incitation excessive au jeu, bien qu’ils puissent paraître opposés (56). Il importe que l’action du titulaire du monopole, telle qu’elle est encadrée par l’État membre concerné, s’efforce de trouver un juste équilibre entre la poursuite de tous ces objectifs.

160. Il incombe, par conséquent, à la juridiction nationale d’examiner si la politique d’expansion menée par le titulaire du monopole et sa publicité, dans son ampleur et sa nature, demeurent dans les limites nécessaires à la canalisation des joueurs vers le circuit légal et restent compatibles avec l’objectif tenant à la protection des consommateurs contre une incitation excessive au jeu (57).

161. Nous proposons ainsi de répondre à la question examinée qu’un monopole d’exploitation de jeux par Internet peut être justifié alors même que le titulaire de ce monopole mène une politique expansionniste grâce à une publicité intensive lorsque cette expansion et cette publicité sont nécessaires afin de canaliser les joueurs vers les jeux en ligne autorisés et qu’elles ne sont pas d’une ampleur et d’une nature inconciliables avec la protection des consommateurs contre une incitation à des dépenses excessives liées au jeu.

IV – Conclusion

162. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons de répondre aux questions préjudicielles posées par le Bezirksgericht Linz de la manière suivante:

«1) Une réglementation d’un État membre sanctionnant pénalement tout contrevenant à un monopole d’exploitation de jeux d’argent, tel que le monopole d’exploitation des loteries électroniques prévu par le droit autrichien, doit être conforme aux libertés de circulation, notamment à l’article 49 CE, bien que le droit pénal relève de la compétence des États membres.

2) L’article 49 CE doit être interprété en ce sens que la circonstance selon laquelle un prestataire de jeux par Internet utilise des moyens matériels de communication tels qu’un serveur et un standard téléphonique situés dans l’État membre de destination et qui lui sont fournis par une entreprise tierce n’exclut pas, en soi, l’application des dispositions du traité CE sur la libre prestation des services.

L’article 49 CE ne saurait, toutefois, être invoqué s’il s’avérait que, dans les circonstances de la présente affaire, les filiales maltaises ont un caractère purement artificiel destiné à permettre à leur société mère autrichienne de contourner l’interdiction d’exploiter des jeux en ligne en Autriche.

L’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation d’un État membre, qui interdit à des prestataires établis sur le territoire national de fournir à des sociétés établies dans un autre État membre les moyens matériels de proposer des jeux par Internet aux personnes résidant sur son territoire, constitue une restriction à la libre prestation des services au sens de cet article.

3) L’article 49 CE ne s’oppose pas à ce qu’un État membre impose à la société de capitaux à laquelle il a octroyé le monopole d’exploitation de jeux par Internet sur son territoire d’avoir son siège social sur celui-ci.

L’article 43 CE s’oppose à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle la société titulaire de ce monopole a l’interdiction de créer une succursale dans un autre État membre, sauf à ce que cette condition soit valablement justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général et qu’elle soit proportionnée à cet objectif.

4) Un monopole d’exploitation de jeux par Internet peut être justifié alors même que le titulaire de ce monopole mène une politique expansionniste grâce à une publicité intensive lorsque cette expansion et cette publicité sont nécessaires afin de canaliser les joueurs vers les jeux en ligne autorisés et qu’elles ne sont pas d’une ampleur et d’une nature inconciliables avec la protection des consommateurs contre une incitation excessive au jeu.»

1 – Langue originale: le français.

2 – Arrêts du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International (C‑42/07, Rec. p. I‑7633); du 3 juin 2010, Sporting Exchange (C‑203/08, non encore publié au Recueil); Ladbrokes Betting & Gaming et Ladbrokes International (C‑258/08, non encore publié au Recueil); du 8 septembre 2010, Winner Wetten (C‑409/06, non encore publié au Recueil); Stoß e.a. (C‑316/07, C‑358/07 à C‑360/07, C‑409/07 et C‑410/07, non encore publié au Recueil); Carmen Media Group (C‑46/08, non encore publié au Recueil), ainsi que du 9 septembre 2010, Engelmann (C‑64/08, non encore publié au Recueil).

3 – Arrêts précités Sporting Exchange (point 48) ainsi que Stoß e.a. (point 81).

4 – Arrêt Sporting Exchange, précité (point 59).

5 – Arrêts précités Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International (points 69 à 72) ainsi que Carmen Media Group (points 102 et 103).

6 – Arrêts précités Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International (point 69); Sporting Exchange (point 33), ainsi que Ladbrokes Betting & Gaming et Ladbrokes International (point 54).

7 – JO L 376, p. 36.

8 – BGBl. 620/1989, loi telle que modifiée au BGBl. I, 145/2006, ci-après le «GSpG».

9 – Voir, par exemple, dans le domaine de la fiscalité directe, arrêt du 18 décembre 2007, A (C‑101/05, Rec. p. I‑11531, point 19 et jurisprudence citée); en ce qui concerne la compétence des États membres d’aménager leur système de sécurité sociale, arrêt du 28 avril 1998, Kohll (C‑158/96, Rec. p. I‑1931, points 15, 16 et 21), ainsi que, dans le domaine de la santé, arrêt du 16 mai 2006, Watts (C‑372/04, Rec. p. I‑4325, point 92).

10 – Voir, notamment, arrêt du 2 février 1989, Cowan (186/87, Rec. p. 195, point 19).

11 – Arrêt du 6 mars 2007, Placanica e.a. (C‑338/04, C‑359/04 et C‑360/04, Rec. p. I‑1891, point 69).

12 – Arrêts du 6 novembre 2003, Gambelli e.a. (C‑243/01, Rec. p. I‑13031, point 54), ainsi que Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, précité (point 46).

13 – Voir, notamment, arrêt du 10 mai 1995, Alpine Investments (C‑384/93, Rec. p. I‑1141, point 22).

14 – Voir, en ce sens, arrêt Gambelli e.a., précité (point 59). Voir, également, arrêt Stoß e.a., précité.

15 – Point 46 dudit arrêt.

16 – 205/84, Rec. p. 3755, point 21.

17 – Point 46.

18 – Point 59.

19 – JO L 178, p. 1.

20 – Article 1er, paragraphe 5, sous d), dernier tiret, de la directive sur le commerce électronique.

21 – arrêt du 12 mai 1998, Kefalas e.a. (C‑367/96, Rec. p. I‑2843, point 20 et jurisprudence citée).

22 – C‑196/04, Rec. p. I‑7995.

23 – Point 54.

24 – Point 67.

25 – Arrêt Gambelli e.a., précité (point 58).

26 – Voir, notamment, arrêts du 21 octobre 1999, Zenatti (C‑67/98, Rec. p. I‑7289, point 24), ainsi que Stoß e.a., précité (point 57).

27 – Arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, précité (point 56).

28 – Ibidem (point 57 et jurisprudence citée).

29 – Ibidem (points 60 et 61).

30 – Ibidem (point 58 et jurisprudence citée).

31 – Arrêt Stoß e.a., précité (points 81 et 82).

32 – Ibidem (point 81 et jurisprudence citée).

33 – Arrêt Sporting Exchange, précité (point 58).

34 – Arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, précité (points 67 à 70).

35 – Arrêt Stoß e.a., précité (points 109 et 110).

36 – Arrêts précités Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International (point 69); Sporting Exchange (point 33), ainsi que Ladbrokes Betting & Gaming et Ladbrokes International (point 54).

37 – Arrêt Stoß e.a., précité (point 83).

38 – Arrêts précités Zenatti (point 37); Gambelli e.a. (point 66), ainsi que Stoß e.a. (point 78).

39 – Voir arrêt Stoß e.a., précité (points 95 et 96).

40 – Point 46.

41 – Point 48.

42 – Voir, en ce sens, arrêt Engelmann, précité (point 28).

43 – Le gouvernement autrichien cite l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 novembre 2002, concernant l’assurance directe sur la vie (JO L 345, p. 1), l’article 8, paragraphe 1, sous a), de la première directive 73/239/CEE du Conseil, du 24 juillet 1973, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’accès à l’activité de l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie, et son exercice (JO L 228, p. 3), ainsi que l’article 5 de la directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2005, relative à la réassurance et modifiant les directives 73/239/CEE et 92/49/CEE du Conseil ainsi que les directives 98/78/CE et 2002/83/CE (JO L 323, p. 1), lu en combinaison avec l’annexe I de la directive 2005/68.

44 – La législation italienne en cause dans ces arrêts excluait les sociétés de capitaux cotées sur les marchés réglementés. La Cour a estimé que cette exclusion, qui était fondée sur la transparence des entreprises, était disproportionnée parce que d’autres moyens existaient pour contrôler leurs comptes et leurs activités (arrêt Gambelli e.a., précité, point 74).

45 – Arrêt Engelmann, précité (point 30).

46 – Voir première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 58 deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (JO L 65, p. 8), et quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11), et ses actes modificatifs.

47 – Point 34.

48 – Points 37 et 38.

49 – Points 38 et 39.

50 – Arrêt du 22 décembre 2010, Sayn-Wittgenstein (C‑208/09, non encore publié au Recueil, point 86 et jurisprudence citée).

51 – JO L 309, p. 15.

52 – Les mesures que les États membres sont tenus de prendre à l’égard des casinos établis sur leur territoire en vertu de la directive 2005/60 ont seulement pour objet la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Elles n’ont pas pour but de prévenir toutes les fraudes qui peuvent être commises aux dépens des consommateurs dans l’exercice de ce type d’activité. Elles ne sont pas non plus destinées à assurer la protection des joueurs. Elles ne visent pas davantage à permettre à un État membre de faire contrôler le respect de sa réglementation en matière de jeu par un autre État membre.

53 – Arrêts précités Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International (point 69); Sporting Exchange (point 33), ainsi que Ladbrokes Betting & Gaming et Ladbrokes International (point 54).

54 – Arrêt Ladbrokes Betting & Gaming et Ladbrokes International, précité (point 30).

55 – Ibidem (point 26 et jurisprudence citée).

56 – Arrêt Stoß e.a., précité (point 101 et jurisprudence citée).

57 – Arrêts précités Ladbrokes Betting & Gaming et Ladbrokes International (point 37) ainsi que Stoß e.a. (point 103).



Matthieu Escande
Posté par :
Matthieu ESCANDE
Enseignant-Chercheur en Droit
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Détaché au Collège Universitaire français de Moscou/MGU 
Doctorant en Droit Université de Toulouse I 
Institut de Recherche en Droit Européen, International et Comparé