Droit des Jeux d'argent et de hasard: La suppression de la taxe pour le financement de la lutte contre l'addiction aux jeux

20.1.12

La suppression de la taxe pour le financement de la lutte contre l'addiction aux jeux

éthique du sport
Le ministre des sports, David Douillet, a proposé un amendement tendant à affranchir les opérateurs de paris en ligne d'une taxe destinée à financer l'addiction à l'égard des jeux et paris. Il considère  que "l’objectif de lutte contre l’addiction et de prévention contre le jeu excessif [...] est déjà plutôt satisfait". Les propos du ministre sont ainsi révélateur des véritables objectifs de la loi du 12 mai 2010.


David Douillet a demandé la suppression littérale de l'article 6 quater B de la proposition de loi, visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs : "L'opérateur titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 consacre au moins 0,5 % de son chiffre d'affaires à des actions directes de prévention, de soins et de recherche labellisées par le ministère de la santé".

Les motivations du ministre

Lors de la séance publique, à l'Assemblée nationale, le 18 janvier, David Douillet s'est ainsi exprimé : "En créant une contribution obligatoire supplémentaire, il alourdit à nouveau les taxes et les charges qui pèsent sur les opérateurs de jeux. Sans dévoiler de secret, nous pouvons estimer que nous sommes en train de tuer une future poule aux œufs d’ors pour le sport français."

Retrait d'une taxe sur les opérateurs et abandon d'un financement des recherches vouées à la lutte contre le jeu excessif, est sans aucun doute, un discours qui dénote avec celui tenu pour l'institution de la loi du 12 mai 2010. Curieuse méthode ! Pas autant que l'argumentation qui s'en suit...

De faux prétextes pour des éléments invérifiables

D.D : "Mais je peux vous dire la vérité : des gens très bien informés, les dirigeants de l’ARJEL, notent une baisse du chiffre d’affaires due à un taux de retour sur joueur plus faible pour les opérateurs français que pour les opérateurs étrangers. Aujourd’hui nos joueurs partent massivement à l’étranger". Tout d'abord, cette dernière affirmation est totalement invérifiable. Ensuite, il convient de s'interroger et de savoir comment les joueurs font pour partir massivement ?  Comment se matérialise une telle évasion ? L'ARJEL finance bien le blocage de sites illégaux. J'ai moi même, pour expérience, essayer de déjouer le dispositif établi. Je n'y suis pas arrivé. Alors, est-ce une évasion, ou, tout simplement, une baisse de l'attractivité pour les paris sportifs. Monsieur le ministre des sports, ne voudrait pas nous faire croire que les parieurs français s'exilent à l'étranger pour parier. Pourtant, il s'agit du seul moyen envisageable pour parier avec des cyberbookmakers non autorisés par l'ARJEL. La loi du 12 mai 2010 serait-elle inefficace ? C'est ce que nous amène à penser David Douillet par ces propos. Seul un allègement de la taxe permettrait d'éviter, non pas le jeu illégal (dans ces propos), mais des fuites fiscales.

Autres questionnements sur les propos du ministre des sports

Et si, le volume des paris sportifs en ligne avait baissé, non pas, pour des raisons d'évasion, mais plutôt, par un manque d'intérêt de la part des parieurs. Pourquoi inciter les  parieurs à reprendre ? Limiter l'occasion de jeux ou de paris n'est-il pas un objectif du législateur ? Et si la lutte contre le jeu excessif avait été réussi, pourquoi exciter, provoquer, inviter les joueurs pathologiques,  et de succroît abandonner une partie de son financement. Cette suppression est, soit l'aveu d'un échec dans le domaine de la lutte contre l'addiction, ou bien un parfait désintérêt du législateur de cette dernière. 

Monsieur Douillet a-t-il vérifier, si le chiffre d'affaire de la Française des jeux, dans le domaine des paris sportifs, dans le réseau physique, avait baissé ? Évidemment non, ou il se garde bien de le préciser, car cela démontrerait le comportement global des parieurs en confrontant les données. Nous supposons ainsi que les parieurs s'éloignent globalement des guichets et de leurs ordinateurs, car au delà du taux de retour au joueur non compétitif, l'offre de paris en France demeure inintéressante en France. 

Conclusion

Les opérateurs de jeux et paris en ligne exigeaient une diminution des prélèvements, à leur endroit, en perspective de la clause de revoyure. Quoi de plus juste que de ne pas pénaliser le secteur par un alourdissement de la fiscalité. Néanmoins, cette suppression est sans aucun doute néfaste à la santé publique et favorable aux opérateurs, sous prétexte qu'ils financent le sports. Assez clairement, notre ancien champion poids lourd de Judo a finalement céder sous la pression des lobbys du sport et des paris sportifs. En définitive, le jeu responsable n'est plus une préoccupation du législateur français. En réalité, nous croyons même qu'il ne l'a jamais été.




Matthieu Escande
Posté par :
Matthieu ESCANDE
Chercheur en Droit
Université de Toulouse I 
Institut de Recherche en Droit Européen, International et Comparé